LA REHABILITATION
Une fois la paix rétablie et les Anglais
boutés hors de France, Charles VII fait ouvrir un procès destiné à casser le
jugement qui a condamné Jeanne d'Arc pour hérésie. Il s'agit, en montrant que
la Pucelle était bonne chrétienne, de prouver que le roi ne peut être suspect
d'avoir accepté l'aide d'une sorcière. Le 7 juillet 1456, Jeanne d'Arc sera
entièrement "déchargée et disculpée".
Le 30 mai 1431, déclarée hérétique et relapse
à l'issue d'un long procès, Jeanne d'Arc a péri sur le bûcher, place du Vieux
Marché à Rouen. Depuis, Charles VII a fait la paix avec le duc de Bourgogne
Philippe le Bon, entamé la reconquête des terres sous domination anglaise et
repris Paris. Le 10 novembre 1449, il a fait son entrée solennelle à Rouen. Alors
que la libération de la "capitale
de la France anglaise" ravive le souvenir de la Pucelle,
le roi consulte-t-il les minutes du procès de celle à qui il doit tant? Toujours
est-il que le 15 février 1450, il ordonne à son conseiller Guillaume Boullé,
docteur en théologie, d'ouvrir une information sur le procès de 1431 et d'entamer
une procédure destinée à réhabiliter la Pucelle. "Plusieurs
fautes et abus ont été commis", précise le souverain,
c'est "par grande haine (...), iniquement
et contre raison et très cruellement" que ses ennemis
ont fait mourir Jeanne. En 1451, le cardinal Guillaume d'Estouteville, envoyé
par le pape Nicolas V auprès de Charles VII, reprend le dossier, secondé par
Bouillé et l'inquisiteur de France Jean Bréhal. L'information menée à Rouen
jusqu'au 10 mai 1452 rend l'évêque de Beauvais Pierre Cauchon responsable de
la condamnation de Jeanne d'Arc. "Mû
par une affection désordonnée (...), assoiffé de la mort de Jeanne par tous
les moyens", le prélat au service de l'Angleterre
ne pouvait être compétent à statuer, souligne le compte rendu remis au roi.
En outre, les Anglais ont faussé le verdict en faisant pression sur les juges.
Mais, pour entamer la procédure en révision,
il faut l'aval du Saint Siège, que le pape ne se presse pas d'accorder. Le 7
novembre 1455, Isabelle, la mère de Jeanne, intercède auprès de Jean Jouvenel
des Ursins, archevêque de Reims, de Guillaume Chartier, évêque de Paris, et
de l'inquisiteur Jean Bréhal. En larmes, elle plaide sa cause : "Elle
avait une fille, élevée dans la crainte de Dieu et la révérence de l'Eglise
(...). Un procès inique l'a cruellement condamnée et l'infamie couvre sa famille".
Le nouveau pape Calixte III lui a affirmé que le juges de Jeanne "ont
reçu de faux témoignages", l'ont emprisonnée sans
"suspicion véhémente d'hérésie, ni
clameur publique", l'ont condamnée "sans
accepter sa demande de soumettre au Saint Siège ses faits et dires". A
la demande du pape, un nouveau procès s'ouvre le 12 décembre au palais archiépiscopal
de Rouen. Il s'agit de laver Jeanne de tout soupçon de sorcellerie et de dédouaner
Charles VII, qui a recouru à ses services. Tout ce qui s'apparente aux "voix"
est prudemment passé sous silence. En revanche, sur la base d'un mémoire de
Bouillé, on met au jour les vices de procédure du premier procès : ainsi, une
sentence proférée à l'encontre d'un accusé de moins de vingt cinq ans et n'ayant pas
de défenseur est nulle. Plus d'une centaine de témoignages sont recueillis :
tous soulignent la pureté et la foi de la Pucelle.
La partie adverse est citée à comparaître.
Même si les principaux acteurs, Pierre Cauchon en particulier, ne sont plus
de ce monde, certains témoins essentiels ont survécu. L'huissier Jean Massieu,
désigné en 1431 comme exécuteur des mandements, confirme que Jeanne a abandonné
les habits d'homme, comme elle s'y était engagée, et que ce sont ses geôliers
anglais qui l'ont forcée à les remettre, ce qui a entraîné sa condamnation.
Il rend hommage à la dévotion de la jeune fille, qui, au moment de son exécution,
a manifesté "humblement qu'il lui
fît avoir la croix de l'Eglise, afin que continuellement elle la pût voir jusqu'à
la mort". Un frère mendiant, Isembard de La Pierre,
souligne que "l'on demandait et proposait
à la pauvre Jeanne des interrogatoires trop difficiles, subtils et cauteleux".
Il ajoute qu'elle "a été livrée entre
les mains du bourreau et brûlée sans condamnation de la justice séculière",
comme l'aurait exigé la procédure. Le 7 juillet 1456, le cardinal d'Estouteville
proclame : "Nous disons, prononçons,
décrétons et déclarons que lesdits procès et sentences, entachés de dol, d'infamie,
iniquité, contradictions, contenant erreur manifeste de droit et de fait (...),
seront et sont nuls, invalides, inutiles et vains (...), nous les cassons, effaçons
et annulons (...), nous déclarons que ladite Jeanne (...) est et doit être déchargée
et disculpée, et nous la disculpons entièrement (...)".
Un exemplaire du procès de 1431 est symboliquement déchiré devant la foule :
Jeanne d'Arc est réhabilitée.
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