JEAN D'ALENCON CONDAMNE
POUR LESE-MAJESTE ET HAUTE TRAHISON
Jeanne d'Arc, dont
il était l'un des premiers et des plus fidèles compagnons, l'appelait
familièrement son "petit duc". Or, voilà qu'en 1458, Jean
d'Alençon, héros de la guerre de Cent Ans et parrain du dauphin, est condamné
à mort par la cour des Pairs. Pour avoir conspiré contre le roi Charles VII,
il est convaincu de lèse-majesté et de haute trahison.
Descendant direct de
Charles, frère de Philippe VI de Valois, le duc Jean II d'Alençon est un
des grands princes à la fleur de lys. Pair du royaume et parrain du dauphin, le
futur Louis XI, il peut se croire à l'abri de la justice d'un roi qu'il juge
faible et incapable. Aussi ses relations avec Charles VII sont-elles empreintes
d'une condescendance qui se mue bientôt en défiance.
Le contention entre les deux hommes est ancien et s'est aggravé à mesure que
le duc s'est entêté à conspirer contre le roi. Tout a commencé avec une
simple affaire de restitution de biens, ceux de la famille d'Alençon en
Normandie, aliénés pour payer sa rançon après le bataille de Verneuil, en
1421. Depuis lors, le duc n'a toujours pas recouvré la totalité de ses
possessions et reproche au roi de montrer bien peu d'empressement à régler
cette affaire. Vient ensuite la participation active, au côté du dauphin, de
Jean d'Alençon aux différentes ligues qui s'opposent à Charles VII. Ainsi la
Praguerie de 1440, rébellion des princes mâtée par l'armée royale. Si
Charles VII a décidé d'amnistier les rebelles, il n'a pas oublié qu'il y a eu
trahison. Alençon, lui, n'a pas retenu la leçon et, cherchant toujours une
meilleure fortune, se tourne vers les Anglais.
En 1455, Jean d'Alençon entre secrètement en contact avec les Anglais dans
l'espoir que ceux-ci organisent une nouvelle expédition en Normandie. Il leur
propose d'effectuer une triple débarquement, à Calais, à Bordeaux et en Basse
Normandie. Dans le même temps, il sollicite de leur part une avance de 20 000
écus pour solder ses mercenaires et rassembler des pièces d'artillerie. Enfin,
il fait comprendre à Henry VI d'Angleterre que l'occasion est à saisir sans
délai car les troupes de Charles VII se trouvent alors dispersées, en
Armagnac, en Dauphiné et en Guyenne.
Henry VI, malgré la
guerre civile qui déstabilise son royaume, accepte le projet et charge le duc
de repérer les sites propices à un éventuel débarquement. C'est Pierre
Fortin, dit le Boiteux, qui joue la "taupe" d'Alençon et multiplie
les visites dans la campagne normande, en particulier à Granville. Mais le
sénéchal de Normandie intercepte une missive compromettante. Fortin est
aussitôt arrêté. Alençon, venu à Paris, témoigner au procès en
réhabilitation de Jeanne d'Arc, subit le même sort. Après un court séjour à
Melun, le duc est finalement transféré dans une cellule de la tour de
Constance, à Aigues Mortes, pour y attendre son jugement.
Ce n'est que le 26
août 1458, soit près de trois ans après les faits, que la cour des Pairs est
convoquée à Vendôme pour juger la trahison du duc d'Alençon. Le cérémonial
est imposant. Charles VII, sous un dais brodé de fleurs de lys, préside la
séance, attentif et silencieux. A ses côtés, son fils cadet, Charles, et les
princes du sang. Sont également présents les Pairs du royaume, les grands
officiers et les représentants du Parlement. Seuls brillent par leur absence le
dauphin Louis et le duc de Bourgogne, qui a préféré déléguer un suppléant.
Dès le début des débats, le duc d'Alençon accuse le dauphin d'être à
l'origine du complot. Charles VII vacille. Se peut-il que son fils, qui, est
vrai, est coutumier du fait, ait trempé dans cette conspiration? Les juges,
quelque peu mal à l'aise, remarquent cependant que les propos de Jean
d'Alençon trahissent certaines confusions et contradictions. Il ne leur en faut
pas plus pour déclarer Louis hors de cause. Certes, c'est là disculper à bon
compte le dauphin, mais personne, pas même le roi son père, n'est vraiment
dupe. Le procès n'est plus alors qu'une formalité et les Pairs ont tôt fait
de démontrer que le duc est l'unique cheville ouvrière de la trahison. Le 10
octobre 1458, Jean d'Alençon est condamné à mort, perd son titre ducal et
voit ses biens confisqués.
Mais en 1458, le royaume de France n'est plus menacé par l'Anglais, à la
suite, en 1453, de la victoire de Castillon et de la reconquête de la
Normandie. Charles VII, souhaitant l'apaisement, décide de gracier d'Alençon.
Le condamné est aussitôt expédié au château de Loches, en Berry. Son
séjour y sera bref. A son avènement, en 1461, Louis XI libèrera son parrain,
croyant ainsi en faire son fidèle et dévoué vassal. Il se trompe...
Le plus de la fiche
Page MAJ ou créée le
© cliannaz@free.fr
|