LA MORT DU ROI
Alors qu'il se rend au jeu de paume, Charles VIII heurte
de la tête le linteau d'une porte. Peu après, il sombre dans l'inconscience;
et s'éteint le 8 avril 1498 au soir, dernier souverain de la dynastie
des Valois directs.
Début avril 1498, le roi Charles VIII se plaint
pendant plusieurs jours d'affilée de douleurs à la tête.
Ses médecins lui conseillent de garder la chambre et d'éviter
les efforts. Mais le souverain veut surtout se distraire de ses sombres pensées.
Il chasse dès l'aube et espère que les prochaines festivités
pascales seront un remède efficace contre la mélancolie. N'a-t-il
pas toujours aimé les plaisirs de la vie? Chevaucher dans les forêts
giboyeuses, participer aux joutes, aux tournois, s'étourdir de spectacles
et de farces, voilà qui sied plus à sa jeunesse et à ses
goûts que le repos prescrit par les praticiens. Le 8 avril, Charles
VIII s'en va chasser, juste après la messe quotidienne. Il rentre plus
tard que de coutume, procède à ses ablutions, se fait laver les
cheveux. Puis il dîne tranquillement, savourant le parfum d'une orange
importée d'Italie, ce pays qu'il aime tant.
Un peu plus tard dans la journée, Charles VIII,
escorté de sa suite, s'en va retrouver la reine Anne de Bretagne dans
ses appartements. Plein de sollicitude, il lui propose de l'accompagner au jeu
de paume installé dans le fossé entourant le château. Pour
rejoindre le jeu, le couple royal doit emprunter un chemin hasardeux dans ce
labyrinthe qu'est le château d'Amboise. Il lui faut grimper deux escaliers,
parcourir des sous-sols, puis franchir la porte qui ouvre sur la galerie en
forme de loge située au-dessus du fossé. Cette galerie, très
ancienne, fait l'objet de travaux de réfection. Les échafaudages
y aveuglent la lumière. De plus, la porte d'entrée est fort basse.
Au moment d'en passer le seuil, Charles VIII se cogne la tête au linteau
: handicapé par sa myopie, il n'en a pas correctemnt évalué
la hauteur. Etourdi par le choc, il vacille un instant, puis se reprend et finalement
rejoint sa loge, où il s'installe pour jouir du spectacle. La partie,
déjà engagée, accapare l'attention de tous. Le roi se passionne
pour le jeu, échangeant des commentaires avec la reine Anne et son confesseur,
l'évêque Jean de Rély. Soudain, alors qu'il confie au prélat
son espoir de ne plus jamais commettre de péché, ni mortel, ni
véniel, il s'effondre et sombre dans l'inconscience. Il est deux heures
de l'après-midi. Aussitôt, deux de ses fidèles compagnons,
Mathieu de Bourbon et Adrien de Montberon, qui l'ont accompagné lors
des campagnes d'Italie, se précipitent pour le relever. Et vont l'étendre
sur une paillasse dans la galerie voisine, encombrée de poutrelles, de
sacs de sable et de chaux. Une odeur pestilentielle y règne, l'endroit
servant occasionnellement de lieu d'aisance et de perchoir aux faucons royaux.
Dans cette atmosphère sordide, le roi, gisant sur
sa couche misérable, semble endormi. Autour de lui, ses proches se pressent,
n'osant ni faire un geste ni prononcer une parole, attendant anxieusement qu'il
reprenne ses esprits. On doit éloigner la reine Anne de Bretagne, folle
d'inquiétude. Les médecins, qui ont été mandés
sur-le-champ, examinent le blessé. S'ils ne s'engagent sur aucun diagnostic
précis, leurs conclusions ne sont guère optimistes : le roi est
perdu. En désespoir de cause, ils recourent aux tentatives les plus extrêmes
et les plus improbables. Afin de faciliter la respiration du moribond, pris
par des accès d'étouffement, ils vont jusqu'à lui couper
les poils de la barbe et les cheveux. Charles VIII reste neuf longues heures
dans cet état de prostration. Et l'on craint tant pour sa vie qu'on le
laisse reposer dans la funeste galerie, sans même se risquer à
le transporter dans sa chambre! Par trois fois, brièvement, il sort de
son coma : dans un murmure, il invoque l'aide de Dieu, de la Vierge, de Saint
Blaise et de Saint Claude. Mais tout est vain : les ultimes interventions des
médecins comme les prières des religieux. A onze heures du soir, Charles
VIII rend son dernier soupir. Ainsi meurt prématurément, dans
sa vingt huitième année, le dernier souverain de la dynastie des
Valois directs. Alors qu'il vient de disparaître sans laisser d'héritier,
son cousin le duc Louis d'Orléans s'avance vers la scène royale.
Et tandis que le futur Louis XII se prépare à monter sur le trône,
certains s'interrogent sur la disparition de Charles VIII. Le roi a-t-il été
victime des suites d'une crise d'épilepsie? D'une hémorragie cérébrale
consécutive au traumatisme qu'il a subi en heurtant le linteau de la
porte? De ce "quaterre" évoqué par le conseiller et
mémorialiste Philippe de Commynes, et qui désigne aussi bien un
refroidissement qu'une "appoplesie", synonyme de coma brutal? La question
reste posée.
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