LES MATERNITES MALHEUREUSES D'ANNE DE BRETAGNE
Déjà mère du dauphin Charles Orland,
Anne de Bretagne est de nouveau enceinte au printemps 1493. Mais le sort va
s'acharner sur la jeune reine. Si elle est prolifique, elle enchaîne les
fausses couches, et les enfants qu'elle met au monde ne survivent pas longtemps.
Même le dauphin, victime de la rougeole, décède. Accablée
par ces terribles épreuves, la reine va sombrer dans le désespoir.
La reine Anne de Bretagne est au comble de la joie : en
octobre 1492, elle s'est à peine remise de ses couches que déjà
elle attend un heureux événement pour le printemps suivant. Bien
qu'elle s'en félicite, l'enjeu de cette nouvelle grossesse est cependant
moins important : le dauphin Charles Orland, héritier du trône,
est un bébé vigoureux. Aussi la reine se ménage-t-elle
moins et accompagne-t-elle le roi Charles VIII de château en château. Par
une belle journée de juillet 1493, malgré la chaleur estivale
et bien qu'enceinte de cinq mois, elle se joint à son époux qui
va chasser en forêt de Courcelles. Mais c'est l'accident et elle perd
son enfant, suffisamment formé pour que l'on sache que c'était
un garçon. Si sa santé s'en trouve affaiblie, la reine se console
assez vite : elle est prolifique et n'a que seize ans.
De fait, cinq mois plus tard, Anne de Bretagne est de nouveau
enceinte. Autant que faire se peut, elle évite les déplacements
et réside à Amboise auprès du dauphin, qu'elle peut cajoler
tout à loisir. Mais en février 1494, contre l'avis des médecins,
elle accompagne à Lyon puis à Grenoble Charles VIII qui, à
la tête de son armée, s'en va guerroyer en Italie. Cependant, elle
prend des précautions, cheminant lentement en litière pour éviter
les cahots et emprunte surtout la voie fluviale. Le 15 mars, elle fait son
entrée dans la capitale des Gaules, vêtue d'une robe de drap d'or
garnie d'hermine et rehaussée de boutons de diamant. Fêtée
comme il se doit, la reine est de toutes les cérémonies. Malheureusement,
la fatigue a raison de ses forces, et elle accouche prématurément
d'une fille mort-née. Cette nouvelle fausse couche la plonge dans une
grande affliction. Pleurant toutes les larmes de son corps, elle tente néanmoins
de reprendre le dessus et de faire bonne figure à la Cour. Et, à
la veille de faiore ses adieux à Charles VIII, fin août 1494, une
lueur d'espoir brille dans ses yeux : encore une fois, elle est enceinte.
Mais le sort semble s'acharner! Elle perd l'enfant qui s'annonçait. Cependant,
une bien plus terrible épreuve attend encore Anne de Bretagne. Le 16
décembre 1495, à Lyon, alors qu'elle fête les retrouvailles
avec Charles VIII, de retour d'Italie, elle apprend que le petit dauphin Charles
Orland est décédé, victime d'une épidémie
de rougeole. Si le chagrin du roi est profond, la reine, elle, est en proie
à une immense douleur; au point que l'on craint autant pour sa santé
psychologique que physique. Les médecins lui préconisent de se
"réjouir"; elle assiste stoïquement aux divertissements
organisés jusqu'à son retour à Amboise. Mais, bien évidemment,
le coeur n'y est pas.
Malgré ses larmes, la jeune reine entr'aperçoit
la mine un peu trop réjouie en la circonstance du duc Louis d'Orléans.
En effet, avec la disparition du dauphin Charles Orland et en l'absence de tout
autre enfant mâle, il redevient l'héritier du trône. Choquée
par ce manque de retenue, elle refuse désormais de lui adresser la parole,
même s'il affiche une attitude plus réservée. Elle lui en
tiendra très longtemps rigueur, et peut-être même ne pardonnera-t-elle
jamais à celui qui deviendra son second mari et qui règnera sous
le nom de Louis XII. Mais la vie reprend ses droits et, au printemps 1496,
Anne de Bretagne est de nouveau enceinte. Tandis que Charles VIII prépare
activement sa prochaine campagne en Italie, elle se repose au château
de Plessis lès Tours. Cette fois, le ciel semble avoir entendu ses
prières et le 8 septembre, au terme de cette cinquième grossesse,
elle met au monde un fils. Sans hésitation, on le prénomme Charles.
Le roi exulte. Pour célébrer la naissance du second dauphin, il
s'achète deux harnais de guerre en prévision de ses exploits transalpins. Mais
la félicité est de courte durée : le 2 octobre, le bébé
meurt. Accablée par tant de malheur, la reine se retire à Moulins,
tandis que, pour tenter d'oublier, Charles VIII poursuit son rêve italien... En
août 1497, cependant, une nouvelle grossesse se confirme, mais elle s'annonce
difficile. Le 19 janvier 1498 à Amboise, après avoir assisté
pour les fêtres de Noël à la représentation de la Nativité
et à un feu d'artifice, la reine est prise de malaises. On craint encore
une fausse couche. Il n'en est rien. Revigorée, elle gagne Plessis lès
Tours, où tout est prêt pour la naissance,en bateau. Le 20 mars,
elle accouche. Mais la déception est terrible : c'est une fille et, qui
plus est, meurt peu après. Tout juste a-t-on le temps de la baptiser
du prénom de sa mère. Trois jours plus tard, la reine, désespérée,
fait une offrande in memoriam à Sainte Larme de Vendôme.
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