CHARLES VI LE FOL, LES ARTS ET LES SCIENCES

 

CHARLES D'ORLEANS, PRINCE POETE ET MECENE

Le 25 octobre 1415, au soir de la défaite d'Azincourt Charles d'Orléans est fait prisonnier par les Anglais. Durant sa captivité Outre-Manche, puis après son retour en France, ce prince poète composera une oeuvre pleine de fraîcheur, de sensibilité et de sincérité; simple, mais subtile et savante. Et tout en exerçant une influence marquante sur la poésie française, il sera l'un des grands mécènes de son temps.

Né le 25 mai 1391, neveu et filleul de Charles VI, Charles d'Orléans est élevé au château de Blois, dans un milieu raffiné où l'on cultive la poésie et la musique. Cependant, il n'est pas épargné par le malheur : à dix ans, il perd son père, puis l'année suivante sa mère. En ces temps troublés de la Guerre de Cent Ans, devenu très tôt chef de la Maison d'Orléans, il est forcé à des engagements militaires. C'est ainsi que le 25 octobre 1415, lors de la défaite d'Azincourt, il est fait prisonnier par les Anglais. Il va passer un quart de siècle en captivité, pour l'essentiel à la Tour de Londres. Dès le début de sa détention, afin de tromper son ennui, il se consacre à la poésie, pour laquelle il a déjà manifesté un goût ardent.

Dans les geôles anglaises, le duc Charles d'Orléans compose au jour le jour son premier recueil de vers, le Livre de la prison. Avec une sincérité touchante, il y exprime la nostalgie de son pays natal, son aversion pour la guerre, son amour pour la France et pour son épouse, Bonne d'Armagnac.
Contrairement à la plupart des poètes, il vit réellement les malheurs qui nourrissent son oeuvre d'alors. Mais il sait aussi se réjouir, dans un rondeau devenu célèbre, du renouveau du printemps : "Le temps a laissé son manteau / De vent, de froidure et de pluie / Et s'est vêtu de broderie / De soleil luisant, clair et beau". Et c'est dans une ballade pleine de malice, Encore est vive la souris, qu'il dément des rumeurs qui ont couru sur sa mort.
Son recueil de Ballades, lyrique et narratif, est un traité de l'amour courtois, mais aussi une biographie fictive. De poème en poème se dessine l'histoire d'un amour, ainsi que l'expérience vraie et émouvante d'une destinée trop tôt contrariée. Les jeux d'Amour et de Fortune hantent ces textes d'où se dégage une poignante mélancolie; au-delà des conventions de la littérature courtoise, c'est le souffle du malheur qui leur confère un ton unique, même si le prince évoque rarement, et toujours avec pudeur, ses souffrances. Héritier de toute une tradition, Charles d'Orléans fait appel aux conventions issues du passé, mais avec des images, un rythme et un sens de la nature qui en font l'un des meilleurs poètes de son temps. "Allons au bois le may cueillir / Pour la coutume maintenir! / Nous ouïrons des oiseaux le glay / dont ils font le bois retentir / Ce premier jour du mois de may". Il renouvelle ainsi avec douceur, sur le ton de la confidence, dans des vers extrèmement travaillés la poésie d'amour venue du Moyen Age et des genres abondamment pratiqués, la ballade, le rondeau, la chanson, qu'il porte à la perfection dans le Service d'Amour, écrit en prison et terminé après son retour au pays.

Ce n'est qu'en 1440 que Charles d'Orléans peut rentrer en France. Jeanne d'Arc a infligé de sévères défaites aux anglais et Charles VII est monté sur le trône. Le prince poète, lui, se retire à Blois, dans le château de son enfance, où il recrée l'atmosphère raffinée et cultivée qu'il a connue autrefois. Là, après avoir tenté de servir d'intermédiaire entre le roi et ses vassaux, puis s'être occupé du Milanais, héritage de sa mère Valentine Visconti, il ne se consacre plus qu'à la poésie. Bonne d'Armagnac est morte : veuf, il s'est remarié avec Marie de Clèves qui, en 1462, lui a donné un fils, le futur Louis XII. Durant encore un quart de siècle, une période aussi longue que celle de sa captivité en Angleterre, il affine son art poétique, accédant à une "seconde manière", toujours aussi élégante mais empreinte d'une résonance nouvelle où affleure une sorte de détachement, de sagesse. Il décrit maintenant les évènements de sa vie dans des rondeaux, genre parfait pour exprimer l'émotion passagère, la grâce d'un moment.
L'inspiration familière donne lieu à une langue imagée, qui confine parfois au sous-entendu grivois. Jusqu'à sa mort, le 4 janvier 1465, Charles d'Orléans compose avec humilité et une grande économie de moyens, mais dans la grande tradition lyrique et courtoise. Ses oeuvres, d'une infinie simplicité mais subtiles et savantes, inspireront les poètes des siècles suivants, de Clément Marot à Jean de La Fontaine. En cette période de guerres, de ruines et de confusion, il a fallu au prince poète une grande force morale pour parvenir à préserver la tradition de la poésie courtoise et n'exprimer sa plainte que sous forme d'une confidence faite à mi-voix.

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