JEAN LE BON "VEND" SA FILLE ISABELLE AUX VISCONTI
Prisonnier des
Anglais depuis quatre ans, Jean le Bon accepte l'or de Galéas Visconti pour payer
l'énorme rançon exigée pour sa libération. En échange, il donne, en octobre
1360, sa fille Isabelle en mariage au fils de ce tyranneau de Milan.
Laissant derrière
lui les falaises de Douvres, Jean le Bon traverse la Manche le 8 juillet 1360.
Le vaincu de Poitiers va retrouver le continent après quatre années de captivité.
Mais, à Calais, il n'est pas encore libre. Il ne pourra quitter cette terre
anglaise qu'après avoir satisfait aux conditions de la paix de Brétigny.
C'est le dauphin Charles, régent en l'absence de son père, qui, le 8 mai, a
conclu le traité avec le Prince Noir, le fils d'Edouard III d'Angleterre. Le
roi de France l'a ratifié, le mois suivant, à la Tour de Londres. Il cède la
souveraineté sur l'Aquitaine et ses annexes, Gascogne, Poitou, Saintonge,
Aunis, Agenais, Périgord, Limousin, Quercy, Rouergue, Angoumois. Au nord de la
Loire, il abandonne, outre Calais, le vicomté de Montreuil et les comtés de
Ponthieu et de Guines. En échange, Edouard III renonce à ses prétentions à
la Couronne de France.
La rançon personnelle de Jean le Bon est fixée à trois millions d'écus d'or,
dont 600 000 payables dans les quatre mois suivant le transfert du roi à Calais.
Puis 400 000 écus doivent être versés un an plus tard, à Londres, et le
reste est réparti en cinq annuités. Enfin, le traité est gagé par quarante otages.
Cet accord apparaît comme le moins mauvais que le roi de France pouvait
espérer. La clause la plus préoccupante est le paiement du premier acompte de
la rançon. Pour un pays exsangue, ravagé par les guerres, les révoltes et les
exactions des "compagnies", la somme est exorbitante. Les finances
sont déjà grevées par la masse des rançons particulières exigées par les
Anglais pour libérer les prisonniers de quelque importance. Rarement dans
l'Histoire de France l'épuisement du numéraire a causé autant d'embarras.
Le délai pour
trouver l'argent est bien court. Tous les Français, sans discrimination, sont
mis à contribution. Au prix d'efforts considérables. On a réussi à collecter
400 000 écus, ce qui représente les deux tiers seulement du premier acompte.
Alors, Jean le Bon va se procurer l'argent nécessaire à sa libération
définitive par un autre moyen : "Le roi de France,
dit l'historien Matteo Villani, vendit sa chair et son
sang."
En accord avec son père, le dauphin a négocié le mariage d'une de ses soeurs,
Isabelle, avec le fils de Blanche de Savoie et de Galéas Visconti, coseigneur
de Milan. Ce dernier, qui règne sur la Lombardie avec son frère Barnabé, est
vicaire impérial. Il n'est pas d'un rang tel qu'il puisse prétendre à entrer
dans la famille du plus grand roi de la Chrétienté. Mais il est immensément
riche! Connaissant les embarras financiers des Valois, Galéas a offert 600 000
écus d'or. Le premier acompte doit être versé en juillet, le solde à la
célébration du mariage. Pris à la gorge, Jean le Bon a accepté la
proposition.
Isabelle n'a sans doute pas été consultée, ce n'est guère dans les usages de l'époque.
D'ailleurs elle n'a que onze ans et Jean Galéas, seulement huit. Par son
"sacrifice", elle contribue à l'effort commun. Ses trois frères ne
figurent-ils pas sur la liste des otages? Louis d'Anjou et Jean de Poitiers
seront effectivement livrés au roi d'Angleterre, tandis que le jeune Philippe
le Hardi, qui a partagé la captivité de son père, sera autorisé à rentrer.
La petite princesse apporte en dot la seigneurie de Sommières. Galéas met dans
la corbeille les principautés de Robbio et Pontremoli. Le jour où Isabelle
fait son entrée dans Milan, le roi d'Angleterre, bien informé, arrive à
Calais pour rendre sa liberté au roi Jean. L'or milanais a rempli les caisses
et Edouard III est maintenant assuré que le premier terme de la rançon sera
versé. Il faut une quinzaine de jours encore pour donner au traité de
Brétigny sa forme définitive. Le 25 octobre, le roi de France quitte Calais,
libre.
Quelques semaines plus tard, Galéas Visconti envoie en ambassade à la Cour son
ami le grand poète Pétrarque, pour féliciter Jean le Bon de sa libération.
En témoignage de son amitié, il lui fait remettre deux bagues. L'une est d'un
grand prix, l'autre est inestimable. C'est l'anneau thaumaturge perdu par le roi
sur le champ de bataille de Poitiers. Il lui a été arraché du doigt par les
Gascons qui se disputaient sa capture. On ignore comment le rusé seigneur de
Milan se l'est procuré, mais c'est un cadeau royal pour un royal parent.
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