JEAN II LE BON, LE ROI CAPTIF
Au soir du triste 19 septembre 1356,
Jean le Bon est prisonnier des Anglais qui viennent d'humilier l'armée française à
Poitiers. Alors que le royaume de France sombre peu à peu dans l'anarchie et la violence
sous la régence du dauphin Charles, le souverain captif vogue Outre-Manche, vers une
prison dorée où il demeurera plus de quatre ans.
Sur le champ de bataille de Poitiers,
gisent plus de 10 000 soldats, dont 7 000 Français. La défaite est amère, mais Jean le
Bon est en paix avec sa conscience. Il a fait son devoir et s'est battu en chevalier, sans
jamais rompre l'assaut. A ce titre il mérite le respect, des siens comme de ses
adversaires.
Edouard, prince de Galles est tout surpris lorsque, au soir de la bataille, le maréchal
Warwick lui présente le roi de France. Les deux cousins guerroient depuis plus de dix ans
sans jamais s'être rencontrés. Mais le Prince Noir, capable des pires exactions, sait
faire preuve d'une élégance insoupçonnée. Ainsi fait-il prodiguer les premiers soins
au roi, blessé à la tête, avant de le convier au banquet de la victoire. L'Anglais
pousse d'ailleurs la révérence jusqu'à refuser de s'asseoir à la table de Jean le Bon
afin de le servir lui-même.
Malgré l'écrasante victoire qu'ils
viennent de remporter sur les Français, les Anglais sont inquiets. Ils ont hâte de
gagner Bordeaux afin de se mettre à l'abri d'une riposte française. Dès le 20
septembre, lendemain de la bataille, sans même enterrer leurs morts, ils quittent les
environs de Poitiers. Trois semaines plus tard, ils entrent à Bordeaux sans avoir été
victime de la moindre embuscade. La ville est en émoi. Les rues sont envahies par une
foule ébahie devant l'ampleur du butin et le nombre de prisonniers. On se presse pour
apercevoir le roi Jean chevauchant aux côtés du prince de Galles. Les jours suivants,
riches des trésors pris aux Français, les vainqueurs offrent fêtes, réceptions, bals.
Jean le Bon, installé dans l'abbaye Saint André, reçoit les notables locaux tel un
prince en villégiature.
L'hiver passé sous la douceur bordelaise, le Prince Noir décide de regagner Londres avec
son prisonnier. Mais il doit auparavant résoudre un problème épineux. Craignant de ne
pas recevoir leur part de la rançon, les Gascons refusent de laisser partir Jean le Bon.
Edouard ne peut imaginer rentrer en Angleterre sans son précieux captif. Aussi
accepte-t-il de leur verser 100 000 écus. Le 11 avril 1357, la flotte anglaise quitte
enfin Bordeaux. Elle atteint Plymouth après vingt quatre jours d'une croisière sans histoire.
Londres attend avec impatience l'arrivée de ses héros. La ville est en liesse depuis
que, sept mois plus tôt, un messager du Prince Noir a rapporté de France le heaume du roi
Jean.
Le 24 mai, le cortège pénètre dans la
cité sous les vivats de la foule. Les façades des maisons ont été ornées de tentures
et de tapisseries. Les rues ont été débarrassées des étals et des détritus qui les
encombrent habituellement. Le prince de Galles ouvre la marche, juché sur un cheval noir
alors que le Valois suit sur un cheval blanc. Sous les cris d'enthousiasme et dans un
joyeux désordre, la parade se fraye difficilement un chemin jusqu'à l'Hôtel de Savoie.
La nouvelle résidence de Jean le Bon n'a rien d'une prison. L'Hôtel de Savoie est une
somptueuse bâtisse édifiée au XIIIème siècle par Pierre de Savoie, oncle d'Aliénor
d'Aquitaine. Le roi y jouit d'une totale liberté et y recompose sa Cour parisienne ; une
cinquantaine de serviteurs, un bouffon, trois médecins et un confesseur. Il reçoit les
seigneurs anglais, s'adonne à la chasse au faucon en compagnie de Philippe, le plus jeune
de ses fils, et assiste aux nombreux tournois organisés en son honneur.
Pourtant le ciel s'assombrit bientôt au-dessus de l'Hôtel de Savoie. En effet, les
négociations franco-anglaises, ouvertes en septembre 1357, semblent ne devoir jamais
aboutir. On a bien fixé la rançon de Jean le Bon à trois millions d'écus d'or, mais les
Français refusent toujours de céder à Edouard III la pleine souveraineté sur la
Normandie, le Maine, l'Anjou, le Touraine, le Poitou et l'Aquitaine. Le roi d'Angleterre
perd patience.
En janvier 1359, Jean le Bon est assigné à résidence, sous la garde de soixante
neuf hommes de
garde. Six mois plus tard, le roi est transféré dans la sinistre forteresse de Somerton
puis, au printemps 1360, à la Tour de Londres. C'est là qu'il apprend avec soulagement
l'accord signé à Brétigny, le 8 mai, entre le Prince Noir et le dauphin Charles. Après
plus de quatre années de captivité, le roi de France est enfin libre.
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