CHARLES VII LE VICTORIEUX, LES
PERSONNALITES
Jeanne d'Arc
BAUDRICOURT ECOUTE JEANNE D'ARC
Deux fois éconduite par le capitaine de Vaucouleurs, Jeanne d'Arc s'impatiente. Lors d'une troisième entrevue, le seigneur de Baudricourt accepte de lui donner une épée et une escorte... Non sans avoir au préalable pris la précaution de la faire exorciser! Jeanne va enfin pouvoir partir pour Chinon, où l'attend le dauphin Charles.
A Vaucouleurs, Henri Le Royer, charron, et sa femme Catherine ont pris Jeanne d'Arc en affection. Chez eux, la jeune fille a trouvé asile et soutien, en attendant que le capitaine de Baudricourt veuille bien la recevoir. En ce mois de février 1429, pour occuper son temps et dédommager ses hôtes, elle file... Et puis, tous les matins, de bonne heure, elle se rend à Notre Dame des Voûtes, la chapelle du château, pour y entendre la messe. Elle se recueille ensuite longuement devant la statue de la Vierge. Sans doute prie-t-elle pour qu'enfin le capitaine lui accorde un entretien. Mais la rencontre tarde. Deux fois déjà, elle a été éconduite. Et le temps lui pèse. Il lui dure à tel point que, impatiente de suivre ses voix qui lui dictent de rejoindre Chinon où séjourne le dauphin Charles, un beau matin Jeanne n'y tient plus. Toujours accompagnée du dévoué Durant Laxart et du dénommé Jacques Alain, habitant à Vaucouleurs, elle prend la route. Mais, à Saint Nicolas de Sept Fonts, sur le chemin de Sauvroy, elle se ravise, car "ce n'est pas ainsi qu'il convient de s'éloigner". Et tous trois regagnent Vaucouleurs. Jeanne le sait, le sent. Le blanc-seing de Baudricourt lui est indispensable. Elle doit absolument se faire entendre du capitaine.
Baudricourt est homme de précautions. On le serait à moins. Quand on dirige la seule place forte ralliée à la cause française en terre bourguignonne, rien ne doit être laissé au hasard. Le capitaine n'ignore rien de l'enthousiasme de la population de Vaucouleurs pour la cause de Jeanne. Même des familiers de sa suite se sont laissés convaincre par l'ardeur des propos de la jeune paysanne! Ainsi du sire Bertrand de Poulengy, qui a été témoin de la première entrevue. Quant à son écuyer, Jean de Nouillompont, dit Jean de Metz, sa ferveur est telle qu'il a promis à Jeanne de l'escorter jusqu'à Chinon. C'est d'ailleurs lui qui l'a accompagnée un bout de chemin sur la route de Nancy quand le duc de Lorraine l'a invitée en son château. Baudricourt est au fait de ce surprenant face-à-face. Peut-être même n'est-il pas étranger à l'événement. N'est-il pas conseiller de René d'Anjou, duc de Bar, beau-frère du dauphin et gendre de Charles II de Lorraine? Durant le séjour de Jeanne à Vaucouleurs, les deux hommes ont échangé des lettres. Sans doute, avant d'accéder à la demande de la Pucelle, Baudricourt a-t-il tenu à réunir tous les avis autorisés. Mais, ultime précaution, il va encore recueillir celui des époux Le Royer, accompagnés de messire Jean Fournier, curé de Vaucouleurs. Baudricourt a demandé au prêtre de prononcer un exorcisme sur Jeanne. "S'il s'agit d'une créature du démon, qu'elle s'éloigne. Si elle est bonne créature, qu'elle s'approche". Jeanne aussitôt se jette à genoux devant le prêtre. Elle s'insurgera de cet exercice qui a fait peser sur elle le soupçon de sorcellerie. Elle trouvera que le prêtre a mal agi. Ne l'avait-il pas entendue en confession? Ne savait-il pas alors qu'elle était bonne chrétienne et n'avait nul besoin d'exorcisme? Elle n'hésitera pas non plus à recourir à la rumeur populaire qui, depuis quelques années, prétend que le royaume de France sera libéré par une pucelle... Convaincante, elle va remporter sa première bataille. Après avoir refusé par deux fois de l'entendre, le sceptique capitaine de Vaucouleurs va enfin accéder à ses demandes.
"A la tierce, ledit Baudricourt la reçut, lui bailla une épée, sans autre armure, et des gens pour la mener en France". Ainsi Jeanne résumera-t-elle lors de son procès son entrevue avec le capitaine de la place de Vaucouleurs. L'escorte a déjà été formée. Jean de Metz, alors âgé de trente et un ans, qui a toujours promis de se joindre à elle dans son périple vers Chinon, et Bertrand de Poulengy, de six ans son aîné, sont de l'aventure, chacun accompagné d'un serviteur. Baudricourt complète la troupe par un messager royal, Colet de Vienne. Ce dernier, aidé d'un certain Richard Larcher, est censé connaître les routes les plus sûres et être à même de distinguer, chemin faisant, les hommes d'armes et les garnisons tenant pour le roi de France. A l'heure du départ, c'est à une Jeanne aux cheveux coupés courts et qui, pour la première fois, a endossé l'habit d'homme que Robert de Baudricourt lance : "Va, va, et advienne que pourra". C'est le signal de départ d'une équipée à cheval qui durera onze jours. Au bout de la route, il y a Chinon et le Dauphin...
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