LOUIS XVI, LES ARTS ET LES SCIENCES

 

BERTHOLLET ET L'EAU DE JAVEL

Directeur des teintures à la "Manufacture pour les acides et les minéraux", sis au lieu-dit le "Moulin de Javelle", le chimiste Claude Louis Berthollet observe avec grand intérêt les lavandières étendant leur linge sur le pré. En 1789, il va mettre au point un nouveau produit qui va permettre de blanchir les toiles même par grand vent et par temps de pluie. C'est l'eau de Javel, dont on va bientôt découvrir qu'elle n'a pas seulement un pouvoir décolorant, mais aussi des vertus détersives et antiseptiques.

Claude Louis BertholletAu XVIIIème siècle, on utilise toujours les méthodes ancestrale pour blanchir, du point de vue esthétique et hygiénique, les rudes toiles écrues de chanvre, de lin ou de coton. Après les avoir soigneusement lavées, on les étend dans les prés pour qu'elles sèchent en plein air et soient exposées de longues heures aux rayons du soleil. Mais qu'il vente ou qu'il pleuve et tout est à recommencer. En outre, ce procédé empirique exige de disposer de beaucoup d'espace et demande un temps infini.

En 1777, le bourgeois Jean Baptiste Peeters et le chimiste Léonard Alban fondent la "Manufacture pour les acides et les minéraux". L'entreprise est implantée au sud de Paris, dans la plaine de Grenelle, sur la rive gauche de la Seine, au lieu-dit le "Moulin de Javelle", où sont bientôt édifiées les premières maisons du petit village de Javel (aujourd'hui dans le quinzième arrondissement de Paris), qui dépend de la paroisse de Vanves. Bénéficiant de l'appui financier du frère du roi, le comte d'Artois, futur Charles X, elle produit de l'acide sulfurique, du vitriol et du blanc de plomb, destinés à l'orfèvrerie, à la fabrication de la monnaie, à la préparation des cuirs ou à l'impression des toiles. En 1785, le comte Claude Louis Berthollet, chimiste de son état y est nommé directeur des teintures et travaille à la mise au point d'un traitement blanchissant des textiles à partir d'une solution de chlore.
En observant les lavandières qui étendent leur linge sur l'herbe aux environs de la manufacture, Berthollet a l'idée de chercher à "imiter le procédé du blanchiment ordinaire". En laboratoire, il essaie de déterminer comment agissent la lumière, l'oxygène et le chlore. Il découvre ainsi les propriétés décolorantes du chlore et, avec son assistant, le sieur Bonjour, met au point une solution aqueuse contenant un mélange de chlorure et d'hypoclorite de potassium. En 1789, son produit est prêt, et il le baptise "liqueur de Javelle".

La "liqueur" élaborée par Berthollet connaît rapidement le succès et, bientôt, les Belges puis les Anglais l'adoptent. Devenue "l'eau de Javel", elle est couramment employée pour le blanchiment du linge. Mais déjà, Berthollet et ses confrères chimistes pressentent qu'elle peut aussi avoir une action antiseptique.
Dix ans après son apparition, le produit miracle est utilisé par certains médecins contre la "pourriture d'hôpital". Mais il faudra attendre le XIXème siècle pour que ses vertus antiseptiques soient réellement exploitées à travers des formules de plus en plus élaborées.
En 1820, le pharmacien Antoine Germain Labarraque, qui étudie les produits désinfectants des dérivés chlorés et des hypochlorites de potassium et de sodium, met au point une solution d'hypochorite de sodium qu'il appelle "liqueur de Labarraque". Il introduit ce nouvel antiseptique dans les hôpitaux, où il remplace peu à peu l'eau de Javel originelle. En 1881, un an avant de découvrir le bacille de la tuberculose, le médecin et biologiste allemand Robert Koch met en évidence les propriétés bactéricides de l'eau de Javel et de ses dérivés. En 1893, deux assistants de Pasteur, Chamberland et Fernbach, publient une étude concernant notamment leur action sur le microbe de la fièvre typhoïde. Désormais, l'eau de Javel est en passe de devenir un produit d'usage courant, employé tant par les ménagères que par le personnel des hôpitaux et les médecins pour son pouvoir détersif, décolorant et antiseptique.

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