LOUIS XV, LES ARTS ET LES SCIENCES

 

JEAN BAPTISTE GREUZE : "UN PERE EXPLIQUANT LA BIBLE A SES ENFANTS"

Au salon de 1755, Jean Baptiste Greuze présente un tableau remarquable : Un père de famille expliquant la Bible à ses enfants. Du jour au lendemain, cet artiste qui n'a suivi aucune voie officielle accède à la célébrité. Le 15 juin, il est agréé par l'Académie royale de Peinture et de Sculpture, et passera à la postérité comme le peintre du portrait sensible, teinté parfois d'une touche d'érotisme.

Fils d'un maître couvreur et entrepreneur en maçonnerie, Jean Baptiste Greuze est né le 21 août 1725 à Tournus, en Bourgogne. Destiné au commerce, il est parvenu à faire admettre à sa famille sa vocation pour le dessin et la peinture. Entré en 1749 dans l'atelier du peintre lyonnais Charles Grandon, il y est resté jusqu'en 1762, travaillant avec une étonnante facilité qui lui a permis, ce dont il se vantera plus tard, de réaliser un tableau par jour.

Inconnu de la Cour et des riches amateurs d'art, Greuze ne tente pas de suivre la voie officielle des honneurs :  prix de Rome et réception à l'Académie royale de Peinture et de Sculpture. Il préfère s'inscrire aux cours de dessin de l'Académie, où il étudie auprès du peintre et décorateur Charles Joseph Natoire et commence à se tisser un réseau d'amitiés. Présenté à monsieur de La Live de Jully, grand collectionneur qui souhaite se constituer un cabinet d'oeuvres contemporaines et rencontrer de jeunes talents prometteurs, il lui montre une de ses toiles intitulée Un père expliquant la Bible à ses enfants et vraisenblablement réalisée à Lyon.
Très impressionné, le mécène achète immédiatement le tableau et l'expose dans son salon pour élouir les artistes et les connaisseurs qui se pressent chez lui : car l'oeuvre est remarquable à bien des points de vue. Il s'agit d'une scène familiale et morale montrant les enfants groupés autour du père tandis que la grand-mère s'occupe du dernier-né; ce qui change des tableaux libertins de François Boucher, alors très en vogue. Elle a pour cadre un intérieur simple et dépouillé, sans l'apparat et le fouillis chers aux artistes de ce temps. Le public, avide de nouveauté, s'enthousiasme tant pour le sujet, social et religieux, que pour la simplicité de la composition.
Exposé au Salon de 1755, Le Père de famille est encensé par la critique, au point que certains vont jusqu'à affirmer que son auteur ne peut être un jeune artiste. Dès le 15 juin de la même année, sur proposition du sculpteur Jean Baptiste Pigalle, Greuze est agréé par l'Académie sur présentation de L'Aveugle trompé, une oeuvre caractéristique de son style et de sa prédilection pour les scènes de genre attendrissantes et édifiantes.

Après un voyage en Italie, l'artiste présente au Salon de 1761 L'Accordée du village, qui rencontre un très vif succès. Tirant parti du sentimentalisme et de la sensiblerie de ses contemporains, il peint ses personnages dans des situations pathétiques, prétexte à décrire toute une palette d'émotions. Séduit par les oeuvres et l'idéal de nature du philosophe Jean Jacques Rousseau, le public fait un excellent acueil aux Bonnes Mères, à L'Education des enfants et aux Jeunes filles vertueuses, tableau dans lequel le peintre introduit une note de sensualité assez équivoque mais très appréciée.
S'il est estimé des amateurs d'art, Greuze a piètre réputation auprès de ses confrères : sa renommée lui est montée à la tête. Ses mauvaises manières sont très critiquées; surtout lorsqu'il refuse de faire le portrait de la dauphine Marie Josèphe de Saxe, affirmant "qu'il ne sait pas peindre de pareilles têtes", dont les joues sont surchargées de rouge. Sa vanité lui vaut d'ailleurs bien des déboires avec l'Académie, qui lui interdit d'exposer au Salon de 1767 parce qu'il n'a toujours pas présenté son morceau de réception. Contraint d'obtempérer (bien qu'il considère que son succès le dispense d'une telle formalité), l'artiste se lance en 1769 dans la peinture d'histoire avec L'Empereur Sévère reproche à son fils Caracalla d'avoir voulu l'assassiner dans les défilés d'Ecosse. Ses confrères jugent ce travail complètement raté. Par respect pour le reste de son oeuvre, ils acceptent quand même de le recevoir à l'Académie, mais seulement au titre de peintre de genre. Greuze, qui espérait être officiellement reconnu comme peintre d'histoire, reçoit ce verdit comme un camouflet : jusqu'à la Révolution, il n'exposera plus que dans son atelier et au Salon concurrent de la Correspondance.

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Page MAJ ou créée le 2003

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