LOUIS XIV, SA VIE
LA TABLE DU ROI SOLEIL
UN RITUEL RIGOUREUSEMENT ORCHESTRE
La table du Roi Soleil se doit d'être somptueuse, exceptionnelle et rayonnante. Elle l'est sans conteste, car Louis XIV fait tout avec magnificience. Il s'aplique à parfaire, lorsqu'il se met à table, un art de vivre souverain qu'il a hérité de ses ancêtres et de la grande tradition française.
La table de Louis XIV, c'est d'abord le grand couvert,
le dîner, le repas du milieu de la journée que le souverain prend
en public. Le grand couvert est la cérémonie par excellence du
règne du Roi Soleil. Elle se déroule selon un ordonnancement réglé
dans les moindres détails. C'est un véritable spectacle auquel
assiste, fasciné, un public de courtisans choisis ou recommandés,
conscients de jouir d'un rare privilège.
Le grand couvert est une
pratique en usage depuis des siècles chez les rois de France. Louis XIV
n'en est pas seulement le plus éclatant des adeptes, il sait aussi lui
conférer le lustre qui est la marque de sa glorieuse image. Le monarque
n'oublie jamais que, "oint de Dieu" lors de son sacre, il est un être
à part. Dès lors, c'est un peu le Tout Puissant lui-même
qui se sustente de nourritures terrestres au cours d'un rituel presque mystique.
Y assister est certes l'apanage des Grands, mais exige en outre un strict respect
des conventions et de la hiérarchie. Seuls les membres de la famille
royale et les grandes dames ont à cette occasion le privilège
d'être autorisés à s'asseoir sur de petits tabourets.
La préparation et le service des repas est à
la charge de la Cuisine du roi, dictincte de celle de la reine et appelée
la "Bouche". Celle-ci est constituée de l'Echansonnerie, de
la Panneterie, de la Fruiterie, de la Pâtisserie et des Services où
sont cuisinés les viandes, les poissons et les légumes, qu'on
nomme alors "entremets". "Messieurs, au
couvert du roi!" L'ordre est lancé. Les officiers de Bouche
commencent les préparatifs du grand couvert en dressant la table. Au
temps de Louis XIV, la salle à manger n'existe pas, elle ne fera son
apparition qu'à partir de la seconde moitié du XVIIIème
siècle. Les repas sont servis dans diverses pièces, où
la table est mise, puis enlevée. A Versailles, Louis XIV prend habituellement
son grand couvert dans l'antichambre du roi ou dans celle de la reine. Sur la
nappe damassée, on a disposé des assiettes en or, pour le souverain,
et en vermeil, à l'usage des princes. De riches surtouts d'orfèvrerie,
créés à la fin du XVIIème siècle, offrent
des choix de condiments et d'épices. Vers 1700, le roi possède
cent soixante dix kilos de vaisselle en or pur.
A présent, le chef
de la Panneterie aporte la nef royale, ouvragée en forme de navire, qui
contient les serviettes humides dont se sert le monarque. La nef est placée
sur une table à part, celle des "essais". Cette desserte est
ainsi nommée à cause des "mouillettes" de pain qui y
sont disposées et qui permettent aux officiers de Bouche de goûter
(afin d'éviter tout risque d'empoisonnement) les aliments avant de les
présenter au souverain. Le couvert du roi, à l'abri dans un coffret,
est, pour la même raison, ouvert au dernier moment. Il ne comporte pas
de fourchette : Louis XIV, contrairement à nombre de ses contemporains,
refuse de l'utiliser, préférant manger avec un couteau et une
cuillère, ou avec les doigts.
Le roi, ses hôtes, ses spectateurs, ses serviteurs, tous sont en place. Les musiciens, dont Louis XIV apprécie tant les prestations pendant les repas, se mettent à jouer. Le rituel débute avec l'annonce traditionnelle : "Messieurs, à la viande du roi!" Le terme de viande désigne le repas dans son intégralité, la substance "vitale", nécessaire à toute vie. Le service, dit "à la française", qui comprend trois services successifs composés chacun de plusieurs plats, se déroule suivant une chorégraphie savamment orchestrée. Lorsque le souverain demande à boire, l'échanson s'exclame : "A boire pour le roi!" Il fait une révérence au monarque, puis se dirige vers le buffet. Là, il reçoit du chef d'Echansonnerie un verre couvert posé sur une soucoupe d'or et deux carafes en cristal remplies de vin et d'eau. Il revient ensuite auprès de Louis XIV, avec le chef et l'aide du Gobelet. Après de nouvelles révérences, le gentilhomme servant verse un mélange de vin et d'eau dans une tasse en vermeil destinée au test du poison. L'essai effectué avec succès, les verre est découvert et le roi peut enfin se servir et boire, l'âme en paix, à la santé de ses invités!
Page MAJ ou créée le 2003