LOUIS XIV, LES ARTS ET LES SCIENCES
JEAN
BAPTISTE POQUELIN, DIT MOLIERE
"LE BOURGEOIS GENTILHOMME" SEDUIT LOUIS XIV
Le 14 octobre 1670, Molière, une fois de plus, crée l'événement. Le Bourgeois Gentilhomme, sa nouvelle comédie-ballet, correspond exactement au goût de Louis XIV. La pièce, qui est une commande de Sa Majesté, marque l'apogée de l'entente entre le Roi Soleil et le dramaturge-comédien.
Avec l'automne, la Cour a gagné le château de Chambord. C'est là que, le 14 octobre 1670, Molière fait donner une nouvelle comédie-ballet, un genre adoré de Louis XIV, Le Bourgeois Gentilhomme. Dans ses Mémoires, le chevalier d'Arvieux rapporte que l'oeuvre est une commande du Roi Soleil, qui en a même indiqué le sujet et imposé le thème de la cérémonie turque au cours de laquelle Monsieur Jourdain est anobli.
Cette comédie en cinq actes et en prose
est donc une oeuvre de circonstance où dominent la danse et la musique et où
le ballet, élément essentiel pour le roi, règne en maître. "Sa
Majesté m'ordonna de me joindre à messieurs Molière et Lully pour composer une
pièce de théâtre où l'on pût faire entrer quelque chose des habillements et
des manières des Turcs", raconte Arvieux. Dans sa
maison de campagne d'Auteuil, Molière convie Lully, qui va composer la musique
de la comédie-ballet, et le chevalier d'Arvieux, qui a voyagé au Levant et qui
enchante la Cour par sa description pittoresque des usages orientaux. Puisqu'il
connaît si bien la Turquie, il est chargé d'indiquer les "manières"
orientales et de superviser la confection des costumes, "habits et turbans".
Une fois terminée, la pièce est soumise au roi, qui donne son aval pour que
l'on passe à la mise en scène et au réglage de la chorégraphie.
Bouffonerie
endiablée, Le Bourgeois Gentilhomme reste dans le domaine de la farce,
du burlesque et de l'invraisemblable. Bien que la comédie n'ait rien de réaliste,
Molière a trouvé une intrigue astucieuse : le thème du parvenu qui veut devenir
gentilhomme est d'actualité à l'époque. Au sein de la bourgeoisie, qui s'enrichit
rapidement et aspire à s'anoblir par l'achat de charges, des centaines de "Monsieur
Jourdain" rêvent d'être reçus à la Cour au même
titre que les Grands. Si bien que, après la première représentation, les rumeurs
vont bon train, tandis que chacun essaie de deviner qui a servi de modèle au
personnage principal de la pièce. On avance le nom de Gandorin, un chapelier
ami de l'auteur. Et aussi celui du ministre Colbert, fils d'un drapier de Reims
qui s'est imaginé des ancêtres issus de la noblesse écossaise. On rappelle aussi
l'existence d'un authentique Monsieur Jourdain, qui a été drapier dans le quartier
des grands-parents de Molière, rue aux Fers, non loin du cimetière des Innocents,
dont Madame Jourdain fait mention dans la pièce. Des dizaines d'autres hypothèses
sont suggérées et suscitent un regain d'intérêt pour l'oeuvre.
Le Bourgeois Gentilhomme, créé à
Chambord le 14 octobre 1670, est monté à grand renfort de décors, de costumes,
de figurants, de musiciens, de danseurs, de garçons tailleurs. Le montant des
dépenses atteint le chiffre considérable de quarante neuf mille livres. Cette richesse de
la mise en scène contribue à l'accueil enthousiaste que l'on réserve à ce divertissement
parfaitement réussi. Le succès est tel que, dans les jours qui suivent, la comédie
est redonnée trois fois à Chambord. Puis elle est de nouveau présentée les 9,
11 et 13 novembre au château de Saint Germain. Toujours devant Louis XIV, qui
ne s'en lasse pas.
Le public, de son côté, apprécie tout autant. Le 23 novembre,
Le Bourgeois Gentilhomme est très applaudi au théâtre du Palais Royal,
où il tiendra l'affiche, en alternance avec Tite et Bérénice de Pierre
Corneille, jusqu'à Pâques 1671. La réussite de Molière, qui tient le rôle de
Monsieur Jourdain, est totale et porte à son comble sa popularité et son crédit
auprès du roi et des puissants. Le Ballet des Nations qui clôt la comédie,
transmet le message que rien ne peut égaler la perfection de la parole, de la
musique et de la danse telles qu'elles règnent à la Cour du Roi Soleil. Aucune
autre nation, aucune autre Cour ne peut rivaliser avec celles du Roi Soleil.
"Quels
spectacles charmants, quels plaisirs goûtons-nous! Les dieux mêmes, les dieux
n'en ont pas de plus doux", s'exclame sur scène ceux qui assistant à la
cérémonie en l'honneur de Monsieur Jourdain, à qui les spectateurs, et en particulier
les courtsans, sont invités à s'identifier. Un hommage sous jacent, mais bien
réel, à la magnificience du commanditaire de la pièce. Lequel apprécie : avec
Le Bourgeois Gentilhomme, la faveur de Molière auprès de Sa Majesté atteint
son apogée.
Page MAJ ou créée le 2002