LES FRASQUES DU COMTE D'ARTOIS

Avec l'enthousiasme et l'insouciance de ses vingt ans, le fringant comte Charles Philippe d'Artois dépense sans compter pour satisfaire ses deux passions : le jeu et les jolies dames. A la Cour, on a presque fini par s'habituer à ses frasques. Pourtant, en octobre 1777, le prince crée la surprise en pariant avec sa belle-soeur, la reine Marie Antoinette, qu'il va faire édifier une "folie" au bois de Boulogne : le domaine de Bagatelle. Un défi qu'il doit relever en seulement six semaines.

Le comte Charles Philippe d'Artois est le beau-frère préféré de Marie Antoinette. Les deux ardents jeunes gens ont en commun une passion immodérée pour la fête, les jeux et les rires. Un beau jour d'octobre 1777, entre une après-midi aux courses et une soirée à l'Opéra, la reine se pique de défier le futur Charles X de faire construire en seulement six semaines un château au bois de Boulogne. Le pari est lancé. L'enjeu est de 100 000 francs! Artois promet que, au retour de la Cour à Fontainebleau, il sera en mesure de donner dans son nouveau palais une somptueuse soirée en l'honneur de sa ravissante et capricieuse belle-soeur.
A la lisière du bois de Boulogne, le prince de Chimay possède un charmant petit domaine. Le comte d'Artois s'empresse de l'acheter et de faire raser l'ancien château. Puis, il commande à l'architecte François Bélanger les plans d'une de ces "folies" alors en vogue qui s'appellera "Babiole", puis "Bagatelle".

Neuf cents ouvriers sont engagés. Pendant qu'ils travaillent jour et nuit, tout Paris suit avec passion l'évolution du chantier. Le comte Florimond Mercy d'Argenteau en fait le récit à la mère de Marie Antoinette, l'impératrice Marie Thérèse d'Autriche. "La circonstance la plus inouie est que, comme les matériaux manquaient, surtout en pierre de taille, en chaux et en plâtre, et qu'on ne voulait pas perdre de temps à les chercher, monsieur le comte d'Artois donna ordre que des patrouilles du régiment des gardes suisses allassent à la découverte sur les grands chemins, pour y saisir toutes les voitures qu'elles rencontreraient chargées de pareils matériaux susdits. On payait sur le champ la valeur de ces matériaux; mais, comme cette denrée se trouvait déjà vendue à des particuliers, il résultait de cette méthode une sorte de violence qui a révolté le public... On ne conçoit pas que le roi tolère de semblables légèretés et, malheureusement, on ajoute la supposition qu'elles ne seraient point souffertes sans la protection que leur accorde la reine". Car chacun sait que Marie Antoinette, si elle affirme trouver Artois parfois imprudent, est la première à lui suggérer d'invraisemblables extravagances.
Dans les temps qui lui ont été impartis et malgré le prix à payer, le comte d'Artois a réussi à relever le défi. Fort content de lui, il peut faire à Marie Antoinette les honneurs de Bagatelle, ce lieu de libertinage élégant aux précieux salons d'angle et aux jardins romantiques. Mais les détracteurs de "l'Autrichienne", de jour en jour plus véhéments, affirment que la reine a été enthousiasmée par le boudoir, décoré de miroirs indiscrets et où trône un lit immense, et l'entresol aux fresques suggestives.

Le comte d'Artois, quant à lui, est ravi de sa garçonnière raffinée, où il convie ses amis et les dames, à la fois choquées et fascinées par  le décor osé. Marié depuis 1773 à Marie Thérèse de Savoie, le prince se consacre pour la forme à son devoir conjugal en son château de Saint Cloud. Ses amours et ses aventures galantes le conduisent de son hôtel particulier de la rue d'Artois à plusieurs maisonnettes discrètes de la capitale et à ce qu'il appelle son "vide bouteille", rue de Reuilly. Il trinque, joue, s'encanaille dans les cabarets de la Bastille et, surtout, marivaude. Nobles débutantes, boutiquières ou actrices, le frère du roi, grand seigneur, les aime toutes. La comédienne Louise Contat, future créatrice du rôle de Suzanne dans Le Mariage de Figaro de Beaumarchais, lui inspire une folle passion. Spirituelle et gaie, elle lui donnera un fils, peu avant de recevoir, en cadeau de rupture, un hôtel particulier à Chaillot. Pendant que son jeune frère mène grand train, dépense sans compter et multiplie les conquêtes, le très raisonnable Louis XVI ne peut s'empêcher de sourire. Surtout, quand on a vu Artois quitter Versailles en catimini et a prétexté une migraine pour se faire excuser de ne pouvoir assister au souper de Sa Majesté.

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