LE "DIORAMA" DE JACQUES DAGUERRE

Décorateur de théâtre renommé, Jacques Daguerre imagine un spectacle inédit pour son "diorama". Inaugurée le 11 juillet 1822, cette salle d'une conception entièrement nouvelle va connaître une vogue exceptionnelle et, par la magie des effets de perspective et des jeux de lumière, laissera le public parisien émerveillé.

Responsable des décors de théâtre à l'Opéra, Jacques Daguerre acquiert en quelques années une très grande notoriété. Malgré de modestes moyens, il innove en particulier (alors que les lampes à huile viennent tout juste d'être remplacées par l'éclairage au gaz) dans le domaine des effets de lumière. Certaines de ses réalisations font sensation : Aladin, ou la Lampe  merveilleuse laisse les spectateurs ébahis devant un soleil mouvant, effet magique auquel ils n'ont encore jamais assisté! En révolutionnant l'art de la décoration de théâtre, Daguerre a trouvé sa voie. Dix ans plus tôt, la critique est restée insensible devant ses tableaux exposés au Salon. Maintenant, elle le loue avec une belle unanimité.
Daguerre est une bonne nature; de corps et d'esprit à la fois robuste et agile (il sait même danser sur une corde raide!), doté d'une formidable puissance de travail, il est avide de gloire. Peintre de décors, il  travaille dans l'atelier de Prévost et réalise des "panoramas". Très à la mode, ces toiles peintes circulaires embrassant l'horizon et donnant à l'assistance l'illusion de contempler un paysage véritable ont été imaginées en Angleterre par le peintre Robert Berker vers 1793. En 1804, l'ingénieur et peintre Robert Fulton a ouvert à Paris, le premier établissement présentant des panoramas, et en 1822, huit de ces établissements suscitent l'enthousiasme du public de la capitale.

Décorateur célèbre mais peu sûr de lui, Daguerre propose une association à Charles Marie Bouton, excellent peintre d'intérieur, pour créer le "diorama" sous forme de société par actions. Cette nouvelle salle, destinée à présenter un spectacle totalement original, est inaugurée le 11 juillet 1822. Daguerre, alors âgé de trente cinq ans, a dessiné lui-même les plans de l'édifice, qui s'élève au numéro 4 de la rue Janson, près de la place de la République, au coeur du Paris qui s'amuse, à deux pas du fameux "boulevard du Crime", qui doit son nom aux drames joués dans ses nombreux théâtres.
Daguerre améliore le principe du panorama en y apportant ses connaissances de l'art théâtral. Dans la salle de spectacle construite en rotonde, il renforce l'illusion d'espace et de réalisme en introduisant des accessoires vrais (constructions légères, eaux courantes, cascades ou animaux vivants), installés au premier  plan et mêlés à des accessoires peints sur un plan intermédiaire. Le dispositif est complété par une toile de fond de treize mètres de hauteur sur vingt mètres de largeur, tendue à une quinzaine de mètres du public. L'éclairage est l'élément majeur du spectacle : un flot de lumière vertical tombe entre le spectateur et la scène, créant une sensation de perspective. Deux décors différents, peints sur chacun des côtés de la toile de fond, sont éclairés tantôt en avant par réflexion, tantôt en arrière par transparence et s'animent comme par magie.

Les tableaux mis en scène ont des sujets variés, de La Messe de minuit à Saint Etienne du Mont en passant par L'Incendie d'Edimbourg, le Campo Soto de Pise ou Le 28 juillet 1830 à l'Hôtel de Ville.
Ebloui par la Chapelle d'Holyrood, le château écossais où il a séjourné lors de son premier exil, Charles X, qui vient de succéder à Louis XVIII, remet à Daguerre la croix de Chevalier de la Légion d'Honneur, à l'occasion du salon de 1824. Le "diorama" connaît un succès foudroyant : certaines années, il rapporte jusqu'à 200 000 francs, soit environ un million de francs actuels. Tout Paris y court, de même, affirme la presse, que les provinciaux de passage dans la capitale.
En 1830, Bouton quitte la société. Souhaitant en rester le seul propriétaire,  Daguerre rembourse les actionnaires sur ses parts de bénéfice. Parallèlement aux tableaux du "diorama", il mène des recherches qui aboutiront à l'invention du daguerréotype. La découverte de ce procédé pour capter l'image d'un objet sur une plaque métallique sera annoncée par le savant François Arago à l'Académie des Sciences le 7 janvier 1839. Et c'est à l'aube d'un nouveau triomphe que, le 8 mars suivant, Daguerre verra son "diorama" partir en fumée, détruit par un incendie.

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