|
DAVID D'ANGERS : "LE GRAND CONDE"
Au salon de 1817, où sont présentées les oeuvres
des artistes agréés par l'Académie de Peinture et de Sculpture, une statue attire
tous les regards : c'est le "Grand Condé", une réalisation du sculpteur
Pierre Jean David. Cette eoeuvre, qui représente le vainqueur de Rocroi en costume
de son temps, va marquer le début d'une carrière couronnée de succès et faire
le renom d'un des chefs de file de la sculpture romantique.
Né à Angers en 1788, Pierre Jean David a acquis les premiers
rudiments de son art dans l'atelier du peintre local Delusse. Encore adolescent,
il a tenté de s'empoisonner parce que son père, un modeste scupteur sur
bois, refusait de le laisser partir pour Paris. A l'âge de vingt ans, il a enfin
obtenu l'autorisation paternelle, ainsi qu'une bourse municipale pour financer
ses études. Lors de son départ, il a failli être tué par un coup de fusil tiré
par un compatriote jaloux! Ses malheurs ne se sont pas arrêtés là et, n'ayant
que quelques sous en poche, le jeune homme a dû terminer son voyage à pied de
Chartres à Paris. Dans la capitale, David est parvenu à se faire engager
pour travailler à la décoration des corniches de l'arc de triomphe du Carrousel,
pour un salaire dérisoire. Il vit alors chichement, loge dans une mansarde,
se contente pour tout repas de pain et d'eau claire. Mais, sûr de son
talent, il réussit à entrer à l'école des Beaux Arts, puis dans l'atelier du
peintre Jacques Louis David, qui reconnaît immédiatement en lui un élève de
la plus haute valeur.
En 1811, le sculpteur angevin est lauréat du prix de Rome
et part pour l'Italie, où il séjourne pendant cinq ans. A peine rentré à Paris,
en 1816, et après un voyage éclair à Londres, l'Etat lui passe commande d'une
statue de Louis II de Bourbon, prince de Condé, dit "Le Grand Condé". L'année
suivante, l'artiste qui se fait dès lors appeler "David d'Angers",
pour ne pas être confondu avec le grand peintre qui a été son maître, expose
au salon un premier plâtre. Contrairement à l'usage, le vainqueur de la bataille
de Rocroi n'est pas vêtu à l'antique, mais en costume de son temps : c'est une
manière de révolution qui fait de David d'Angers un des chefs de file du romantisme.
Aujourd'hui, cette oeuvre est conservée à la galerie consacrée à l'artiste,
ainsi que la plupart de ses travaux d'atelier dont il a fait don de son vivant
à sa ville natale. Grâce au Grand Condé, David d'Angers est devenu un sculpteur
de renom. Sa gloire toute neuve lui vaut de nombreuses commandes et lui permet
de réaliser un dessein qui lui tient à coeur : une galerie de portraits des
grands hommes. L'artiste considère que l'art a un but moralisateur, que la présentation
des effigies des personnages qui se sont distingués par des actes éclatants
ne peut qu'élever l'âme et la conscience du public. Aussi exécute-t-il quantité
de dessins, de médaillons, de bustes et de statues. Certaines de ses oeuvres
étant le fruit de son seul désir et ne lui valant pas la moindre rétribution.
Le plus souvent, ses personnages sont représentés en costume
de leur temps afin de ne pas être élevés au rang de héros, tel le bon roi René,
les écrivains Pierre Corneille, Bernardin de Saint Pierre et Victor Hugo, ou
encore l'américain Thomas Jefferson. D'autres, qui selon le sculpteur sont infiniment
remarquables pour leurs vertus, sont vêtus à l'ancienne, tels le dramaturge
Jean Racine et le comédien François Joseph Talma. Mais la médaille du succès
a son revers : le soir du 6 janvier 1828, David d'Angers est victime d'une seconde
tentative d'assassinat et laissé pour mort sur le pavé. Jamais, il ne révélera
le nom de son agresseur, qui était, paraît-il, un peintre! Jusqu'en 1848,
le sculpteur ne se consacre qu'à sa collection de célébrités. Il fréquente les
cercles romantiques et son chemin croise parfois celui des grands hommes. En
1829, il rencontre le célèbre écrivain allemand Johann Wolfgang von Goethe,
avec qui il sympathise et s'entretient des heures durant de littérature, d'art
et de poésie. Victor Hugo, qui compte parmi ses plus fervents admirateurs, lui
a consacré l'année précédente une ode de quatre vingt seize vers. En 1840, l'auteur des Misérables
fera de nouveau son éloge dans un long poème de 214 vers : "Au
sépulcre prêt à descendre, César t'eût confié sa cendre; et c'est toi qui eût
pris Alexandre, pour lui tailler le mont Atlas".
Le plus de la fiche
Retour Louis XVIII et
les Arts
© 2002-2003 cliannaz@noos.fr
|