LA RESTAURATION

LA MORT DE LOUIS XVIII

Au palais des Tuileries, la nuit du 15 au 16 septembre 1824, s'étire dans une sinistre attente. Louis XVIII, malade depuis longtemps, se meurt à soixante neuf ans dans d'atroces souffrances. Jusqu'au bout, le roi qui a tant attendu de régner sur la France reste fidèle à sa devise. Mourir debout, en vrai Bourbon!

Les derniers jours de Louis XVIII sont terribles, éprouvants pour lui-même et pesants pour son propre entourage. Le roi souffre de diabète depuis ses jeunes années. La maladie est la cause d'une obésité précoce et de crises de goutte répétées. Elle provoque également, depuis plusieurs mois déjà, des troubles de la circulation, ainsi qu'une gangrène dévastatrice et galopante, du pied et de la colonne vertébrale. Voyant ses crises empirer depuis deux ans, le vieux roi (qui se qualifiait malicieusement il y a peu encore de "roi fauteuil") est conscient du fait que ses jours sont comptés. Son médecin personnel, le docteur Portal, n'a pas pu lui dissimuler la terrible vérité, malgré toute sa diplomatie de courtisan.
Jusqu'au bout, Louis XVIII tient à partir en Bourbon, avec du panache et de l'esprit. "Un roi doit mourir debout", répète-t-il, tenant à respecter ses obligations et ses habitudes tout au long de cette fatidique année 1824. Il préside la séance d'ouverture de la Chambre et, en août, se rend à Saint Cloud comme à l'accoutumée. C'est là qu'un soir on le retrouve évanoui dans son fauteuil, le visage violet. Son frère, le comte d'Artois, accourt, suivi de sa nièce, la duchesse d'Angoulême. Après une saignée et un émétique, Louis XVIII se redresse et lance au futur Charles X : "Monsieur, vous avez cru être roi, vous êtes trop pressé, c'est partie remise!"

Le 25 août 1824, Louis XVIII est à Paris pour présider les fêtes traditionnelles de la Saint Louis. Il tient à revenir dans sa capitale pour que tous voient encore une fois qu'il est toujours le roi... Pour son ultime apparition en public, il revêt son bel uniforme brodé, orné de toutes ses décorations, et reçoit la Cour et les délégations étrangères venues lui présenter leurs voeux. Madame de Boigne, la fidèle spectatrice de son règne, est là, elle aussi. "Ce fut un spectacle à la fois grandiose et pitoyable... J'avais l'impression que je voyais pour la dernière fois ce vieux monarque dont la sagesse avait été mise à tant d'épreuves et qui aurait peut-être triomphé de toutes les difficultés de sa position, si la faiblesse et la maladie ne l'avaient jeté, tout désemparé, entre les mains de ceux contre les folies desquels il luttait depuis trente années".
Le roi a beau être faible et malade, il demeure lui-même. Le 10 septembre, le docteur Portal, le croyant inconscient après une nouvelle crise, ordonne à ses assistants : "Otez lui sa chemise!" Aussitôt la réplique fuse : "Monsieur Portal, je m'appelle Louis XVIII, vous devez dire : Otez la chemise de Sa Majesté". Le lendemain, Sa Majesté déclare avec civilité à la duchesse d'Angoulême, s'excusant de la syncope qu'il a eue pendant le déjeuner : "Madame, quand on meurt, on ne sait pas très ce qu'on fait". A ces mots, la fille de Louis XVI ne peut retenir ses larmes.

Le 12 septembre, Louis XVIII garde le lit. Cette fois, il le sait, il ne se relèvera pas. Sa chère favorite, Zoé du Cayla, vient lui faire ses adieux. La pieuse duchesse d'Angoulême l'a suppliée de convaincre le roi de ne plus refuser les sacrements religieux. Il accepte pour les beaux yeux de Zoé, à qui il a encore la force de signer un billet d'ordre de 700 000 francs pour l'achat de l'hôtel de Montmorency.
Lorsque l'abbé Rocher arrive dans sa chambre, il est reçu avec froideur, mais parvient à confesser Louis XVIII pendant dix minutes, avant de lui donner le viatique. Ensuite, le roi fait brûler par son valet des papiers personnels. Entre le 13 et le 15 septembre, il prend congé des membres de sa famille, son frère, sa nièce, son neveu, le duc de Berry. Les dignitaires de la Couronne, les officiers, les courtisans, qui se réunissent dans les salons voisins, s'interrogent sur l'absence de testament royal. Louis XVIII n'a jamais voulu en rédiger, peut-être par superstition. A présent, il est trop tard, le roi qui a tant voulu régner est entré dans l'agonie après avoir reçu l'extrême-onction et béni les siens. Louis XVIII s'éteint le 16 septembre, à quatre heures du matin.

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