LE SOULEVEMENT MANQUE A STRASBOURG

"Ce matin, vers six heures, Louis Napoléon, fils de la duchesse de Saint Leu, qui avait dans sa confidence le colonel d'artillerie Vaudrey, a parcouru les rues de Strasbourg avec une partie de ...". Le 31 octobre 1836, le Gouvernement de Louis Philippe reçoit ce mystérieux télégramme inachevé, daté de la veille. Mais le premier acte politique du neveu de l'Empereur va tourner au fiasco.

Charles Louis Napoléon Bonaparte a vingt huit ans et songe à prendre en main les destinées de la France. Le culte fervent rendu à son oncle, le grand Empereur, n'est-il pas le signe qu'un renversement de la Monarchie est possible? Déjà, en 1830, les partisans du duc de Reichstatt, l'Aiglon, ont considéré que l'avènement de Napoléon semblait l'aboutissement logique des journées révolutionnaires de Juillet.
Mais cette éventualité n'a fait qu'animer les conversations de quelques salons parisiens. Pourtant, en mai 1831, le prince Louis Napoléon, de passage dans la capitale, a été acclamé par des éléments bonapartistes. Depuis, il a pris contact avec Talleyrand et La Fayette ainsi que, plus secrètement, avec des généraux factieux. Au printemps 1834, il a envisagé de se mêler aux émeutes qui ont secoué Lyon et de se poser en médiateur.
En août 1836, la brusque chute du Gouvernement Thiers incite Louis Napoléon Bonaparte à passer à l'action. Le quatrième régiment d'artillerie de Strasbourg, où le prince a fait ses premières armes, c'est "donné à son Empereur" lors du retour de l'île d'Elbe et son commandant, le colonel Vaudrey, homme aigri et ambitieux, semble tout particulièrement indiqué pour mettre en oeuvre une tentative de soulèvement. Ce dernier est séduit par les arguments du neveu de Napoléon 1er et, surtout, il succombe aux charmes d'une courtisane bonapartiste, la cantatrice Eléonore Brault.

Le plan élaboré par Louis Napoléon Bonaparte est d'une grande simplicité. La ville de Strasbourg, où la garde nationale a été dissoute, est hostile à la Monarchie de Juillet. En cas de soulèvement, aucune opposition locale ne semble à craindre. Avec sous ses ordres les 10 000 hommes de la garnison strasbourgeoise, le prince pourrait gagner Metz et Nancy, rallier à sa cause toutes les garnisons de l'Est et ainsi, à la tête de 50 000 hommes, marcher sur Paris. L'entreprise semble aussi risquée que celle des Cent Jours. Mais louis Napoléon est loin d'avoir le charisme et la carrure de son oncle. L'action est fixée au 30 octobre 1836. Dès l'aube, Louis Napoléon Bonaparte revêt un uniforme de colonel d'artillerie et un bicorne de général. "Nous allons voir si la France se souvient encore de vingt années de gloire"! Au quartier d'Austerlitz, où est cantonné le quatrième d'artillerie, le colonel Vaudrey présente le neveu du grand Empereur à ses troupes.

Le prince fait un discours d'autant plus apprécié qu'il est précédé de gratifications diverses. Puis le régiment entame sa marche triomphale vers l'hôtel du général Voirol, commandant de la place de Strasbourg. Alors que ses seconds se chargent de circonvenir le général qui fait mine de résister, Louis Napoléon prend la tête des troupes et les engage dans un passage étroit. Et c'est l'embouteillage! Si bien que, quand l'assaut est donné à la caserne Finckmatt, le 46ème de ligne qui y cantonne a eu le temps de préparer sa défense.
Soudain, le bruit se propage que le prince Louis Napoléon est un imposteur à la solde de Charles X, le roi que les journées de Juillet ont obligé à abdiquer. Du coup, la motivation des troupes séditieuses s'en ressent. Le colonel Vaudrey, croyant la partie perdue, dépose les armes. Il est seulement huit heures du matin. Il a fallu par conséquent moins de trois heures pour qu'une affaire longuement préparée se solde par un échec total.
Dans la geôle où il croupit désormais, Louis Napoléon Bonaparte rumine sa défaite. A sa mère, le duchesse de Saint Leu qui a autrefois été la reine Hortense, il écrit : "Je meurs pour une belle cause". Mais le Gouvernement de Louis Philippe ne veut surtout pas l'ériger en martyre et souhaite minimiser l'affaire. Si ses complices sont déférés aux assises de Colmar (où ils seront acquittés à l'issue d'un procès retentissant), le neveu de l'Empereur se voit réserver un châtiment plus clément et ne passe pas en jugement. Transféré à Lorient, il est embarqué à bord d'un navire en partance pour le Brésil, d'où il gagnera ensuite les Etats Unis. Afin que le conspirateur ne puisse se plaindre d'être maltraité, le roi lui verse même 15 000 francs, pris sur sa cassette personnelle. Ainsi, Louis Philippe achève de faire sombrer dans le ridicule, une affaire qui aurait pu avoir un tout autre retentissement et dont la conséquence majeure a été la reconstitution d'un parti bonapartiste.

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