L'EDUCATION SPARTIATE ET NOVATRICE DE LOUIS PHILIPPE

En 1784, le futur Louis Philippe est âgé de onze ans. Voilà déjà deux ans, que le "gouverneur" féminin que lui a donné son père préside à son éducation. La comtesse de Genlis veille d'un oeil jaloux sur la formation de l'aîné du clan des Orléans, son élève préféré. Adepte des idées libérales de son temps, elle est bien décidée à faire de ce prince du sang l'archétype d'une nouvelle génération de gentilshommes.

Le futur Louis Philippe voue une grande admiration à sa "maîtresse à penser" qui lui réserve, en tant qu'aîné, une attention spéciale. Il s'en souviendra plus tard en disant que madame de Genlis a été "un rude précepteur. Elle nous a élevés avec férocité..." Féroce mais efficace! Le jeune duc de Valois, sa soeur et ses deux frères bénéficient de ce qui se fait de plus novateur en matière de pédagogie. La comtesse s'occupe de leur esprit et de leur corps avec le même objectif : en faire des hommes nouveaux!

Quand madame de Genlis prend en main le jeune duc de Valois, chacun s'accorde à reconnaître que cet enfant insouciant de neuf ans a de mauvaises manières et un maintien déplorable. Deux ans plus tard, le prince est transformé, courtois, attentif, contrôlé. Pour le plaisir de l'esprit, il fait ses humanités, étudie le français, le latin, le grec et la géographie sans sourciller. Pour l'aguerrir, son "gouverneur" le fait coucher à la dure, à même le sol, l'incite à participer aux travaux des champs, des moissons aux vendanges. Pour compléter son éducation, Louis Philippe apprend à parler quatre langues (l'anglais, l'allemand, l'espagnol et l'italien, qui lui seront fort utiles au temps de son exil) et à pratiquer lui-même des saignées, en cas de besoin!
Au pavillon de Bellechasse, les quatre petits Orléans sont soumis à un régime d'une grande frugalité. Ils n'ont pas droit aux gourmandises, car la comtesse est une ennemie convaincue du sucre. Leur ordinaire, simple mais toujours servi en abondance, se compose de laitages, de fruits et de légumes frais, de viandes rôties et de pain. Leurs chambres et leurs salles d'études sont ornées de tableaux représentant des scènes mythologiques ou historiques destinées à les éveiller à ces domaines de la connaissance. Si l'on déroge à l'emploi du temps rigoureux, c'est toujours avec le souci de parfaire leur éducation. Les voyages de découverte, à la mer, en Normandie, en Bretagne, à Spa ne manquent pas, mais ils sont ponctués par les doctes commentaires, culturels et géographiques, de madame de Genlis.

C'est au mont Saint Michel que le futur Louis Philippe affiche sa première manifestation publique de libéralisme. Au grand plaisir de son "gouverneur", il demande que la cruelle cage aux prisonniers de la geôle locale soit détruite. Plus tard, à la réflexion, la contesse sera cependant moins convaincue par les qualités de l'aîné de ses élèves. "Il était prince, j'en ai fait un homme, dira-t-elle; il était lourd, j'en ai fait un homme habile; il était ennuyeux, j'en ai fait une homme amusant; il était ladre, je n'ai pu en faire un homme généreux; libéral tant qu'on voudra; généreux non..."
Malgré la rudesse de son apprentissage, le duc de Valois continue, avec les années, d'apprécier et d'écouter les conseils de sa gouvernante. A la fin de son adolescence, pendant la tourmente de 1789, il éprouvera pour elle une flamme de jeunesse qui le conduira à suivre certains de ses avis révolutionnaires. A-t-elle répondu à cet amour adolescent? En 1844, quelques années avant sa mort, Louis Philippe confiera à Victor Hugo qu'au cours de son existence, il n'a été amoureux qu'une fois ; de la comtesse de Genlis. "En grandissant, je m'aperçus qu'elle était fort jolie. Je ne savais pas ce que j'avais près d'elle. J'étais amoureux, mais je ne m'en doutais pas. Elle qui s'y connaissait, comprit et devina tout de suite. Elle me traita fort mal..." Sans doute, avec sagesse, préféra-t-elle à cette occasion continuer de jouer, auprès du futur roi, le rôle d'inspiratrice plutôt que celui d'initiatrice...

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