LA CATASTROPHE DU PARIS-VERSAILLES

Le 8 mai 1842, des centaines de Parisiens sont allés prendre le "bon air" à Versailles. Par ce beau dimanche, ils ont déambulé aux abords du château, ont admiré le spectacle des grandes eaux. En fin d'après-midi, ils ont embarqué à bord du train du retour : celui de la ligne Paris-Versailles. Mais à cinq heures et demie, la joie va laisser la place à la terreur. La première catastrophe de l'histoire du chemin de fer français va faire plusieurs dizaines de morts et suscitera la vive inquiétude de l'opinion.

Le train Paris-Versailles forme un imposant convoi : douze wagons et trois diligences sont attelés à deux "remorqueurs à vapeur" (locomotives) baptisés Mathieu Murray et Eclair. Monsieur Georges, le chef mécanicien, n'est pas tranquille : responsable de l'entretien des machines, il a conseillé à plusieurs reprises un contrôle général, qui a toujours été remis à plus tard.
Le dimanche 8 mai 1842, dans l'après-midi, quelque sept cents voyageurs, ravis d'avoir passé la journée au grand air, ont pris place en gare de Versailles à bord du train qui va les ramener dans la capitale. Au milieu d'un joyeux tohu-bohu, des colporteurs circulent en proposant des boissons, des en-cas et des illustrés. Les élégants passagers des premières classes, les bourgeois, les ouvriers et les familles, tous attendent patiemment le coup de sifflet du chef de gare.

Après son départ, le train a peu à peu pris de la vitesse, jusqu'à atteindre cinquante kilomètres à l'heure (le maximum est alors de quelque soixante kilomètres à l'heure). A cinq heures et demie du soir, il vient de dépasser la station de Bellevue, arrive en vue de Meudon et se dirige vers le croisement de la voie de chemin de fer avec la route départementale numéro 40, appelée "Pavé des Gardes". Le cantonnier Candon, qui a quitté son poste de surveillance pour voir passer le convoi, se fige soudain de stupeur et d'effroi : dans un bruit terrible et avec une violence effroyable, quatre wagons s'entrechoquent et disparaissent dans les flammes d'un immense brasier! A peine a-t-il repris ses esprits que Candon se précipite pour porter secours aux passagers prisonniers des carcasses incandescentes.
Très vite, la nouvelle de l'accident se répand aux alentours. Les habitants de Meudon, de Bellevue et de Sèvres accourent sur les lieux du drame, où règnent un chaos et une panique indescriptibles. Pleins de bonne volonté, ils proposent leur aide aux sauveteurs et aux médecins, tentent d'ouvrir les portes des wagons surchauffés. Les plus chanceux parviennent à dégager quelques blessés. Toute la nuit, avec l'appui des militaires, les sauveteurs continuent à sortir les survivants des décombres. Les victimes sont transportées au château de Meudon et à Paris, à l'Hôtel Dieu ou à l'hôpital de la Pitié.

Le lendemain, le bilan tombe, tragique. On dénombre deux cents blessés graves et quarante cinq morts. Parmi ces derniers se trouvent le découvreur de la Terre Adélie, l'amiral Jules Dumont d'Urville et toute sa famille, ainsi que des dizaines d'enfants.
La catastrophe a un retentissement considérable, en particulier dans la presse. Dans le journal L'Univers, des témoins racontent leur tragique aventure. Deux d'entre eux, les frères Escudier, révèlent la cause du désastre : "L'essieu de devant du Mathieu Murray a cassé avec violence. Le second remorqueur, entravé dans son essor, s'est précipité sur le premier, et a entraîné successivement dans sa chute quatre wagons qui, agglomérés les uns sur les autres, s'élevaient à la hauteur d'un premier étage (...). Le feu avait déjà gagné la matière combustible des wagons placés comme un autodafé sur les machines (...). Le feu avait pris si violemment au zinc que rien ne pouvait l'éteindre. Pendant que les premiers wagons se fondaient sur le charbon, d'autres scènes non moins affreuses se passaient : on retirait des hommes et des femmes qui avaient les jambes cassées, la tête meurtrie, la figure méconnaissable..."
Tandis que les cheminots travaillent à déblayer les décombres du convoi calciné, à Paris, au cimetière Montparnasse, les familles éplorées viennent reconnaître les dépouilles des leurs. Le service d'ordre a bien du mal à contenir cette foule en larmes. La France entière, sous le choc, est en deuil.

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