LA PREMIERE PARISIENNE DE "NABUCCO" DE VERDI

Ce 16 octobre 1845, au théâtre des Italiens, le tout-Paris assiste à la première de Nabucco de Verdi. Comme à la Scala de Milan, trois ans plus tôt, l'opéra fait un triomphe. La France est impatiente de recevoir le célèbre compositeur, le maestro adulé du public que toutes les capitales européenes se disputent.

La première d'un opéra est une manifestation que le tout-Paris ne saurait manquer. Les mélomanes ne sont pas les seuls à s'y précipiter. Le théâtre lyrique attire aussi bien les admirateurs des jolies cantatrices que les snobs et les nouveaux riches : louées à l'année, les loges sont le cadre de soupers fins et de réunions mondaines. Les représentations, tout particulièrement les premières, sont par excellence le lieu où il faut se montrer, faire étalage de son opulence, voire s'afficher en compagnie de séduisantes conquêtes! Les Bouffes, le théâtre des Italiens "sont autant un salon qu'un théâtre et leur publlic, presque entièrement composé d'hommes du monde exige impérieusement toutes les recherches du confortable et de l'élégance", remarque ironiquement l'écrivain Théophile Gautier.

Créé à la Scala de Milan le 9 mars 1842, le Nabucco de Verdi a fait un triomphe. Initialement prévu pour huit représentations, il a été donné cinquante sept fois d'août à octobre : aucun opéra au monde n'a connu un tel succès! En Italie, Giuseppe Fortunio Francesco Verdi est devenu le compositeur à la mode et a vu son talent consacré. L'Europe entière a succombé aux charmes de sa musique, et tous les directeurs d'opéras sollicitent l'autorisation de faire donner ses oeuvres. Le critique Escudier, rédacteur en chef de La France musicale, tente de convaincre le maestro d'honorer Paris de sa présence.
Mais Verdi rechigne à venir en France. Sans détour, il affirme que les spectacles donnés à l'Opéra, la "grande maison", sont bien inférieurs à ceux qui sont proposés à Londres ou en Allemagne. Pourtant, il a conscience du fait que ses oeuvres doivent être applaudies dans la plus grande et la plus brillante des capitales européennes, où, pour être définitivement reconnu, il lui faut se faire une place. Escudier insiste tantq u'il lui cède finalement les droits de représentation pour la France de tous ses opéras qui ont été créés jusque-là, au nombre de sept : Oberto, Un jour de règne, Nabucco, Les Lombards, Hernani, Les Deux Foscari et Jeanne d'Arc.

Finalement, la première du Nabucco de Verdi est annoncée pour le 16 octobre 1845 au théâtre des Italiens, installé depuis quatre ans à la salle Ventadour, dans le 2ème arrondissement de Paris. La représentation fait un véritable triomphe. Comme à la Scala de Milan, trois ans auparavant, le Choeur des Esclaves est bissé et laisse le public en proie à une incomparable émotion. Les Italiens ont vu dans ce drame lyrique une allégorie de leur aspiration à la liberté, une illustration de la lutte patriotique qui les anime depuis plusieurs décennies. Les Français, eux, ne font aucune lecture politique de l'oeuvre, mais ils sont touchés par le thème biblique, s'enflamment pour des airs qui seront bientôt sur toutes les lèvres. Dans les salons, on ne parle plus que de Nabucco : qui n'a pas vu ce chef-d'oeuvre n'a rien vu!
On en parle tant qu'un obscur auteur ose déclarer que le livret a été inspiré par une de ses pièces... La réclamation est-elle justifiée? Est-elle le fait d'un malade? D'un opportuniste? Personne ne veut discuter, surtout pas Escudier et le plaideur obtient cent mille francs de dédommagement. Ce qui ne ternit en rien le succès de Verdi, et surtout pas celui de sa musique! Dès lors, la direction de l'Opéra de Paris ne songe plus qu'à faire venir le compositeur en France. Il lui faudra près de deux ans, jusqu'à l'été 1847.

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