FRANCOIS 1ER, LES ARTS ET LES SCIENCES
CLEMENT MAROT

 

LE TALENT DE POETE

S'il est le protégé de François 1er, le "père des Belles Lettres", Clément Marot n'en est pas moins rebelle à toute autorité, ecclésiastique ou civile. Par deux fois, en 1526 et en 1527, le poète est jeté au fond d'un cachot. C'est là qu'il va révéler son talent. Il y composera des épîtres pleines de sel et d'ironie qui, par deux fois, lui vaudront la grâce du roi.

Portrait présumé de Clément Marot, par Corneille de Lyin, conservé au musée du Louvre à ParisEn cette froide soirée de février 1526, le poète est un homme défait. Son infortune, il la doit à une certaine Isabeau, une de ses anciennes maîtresses qui, par vengeance, l'a accusé d'un "crime" qu'il n'a pas commis.
Au fond d'un cachot sombre et humide de la prison du Châtelet, à Paris, Clément Marot songe avec nostalgie à ses années d'études et à ses premières épîtres, qu'il a dédiées à ses protecteurs, François 1er et sa soeur Marguerite d'Angoulême. Les fastes de la Cour et les faveurs du roi semblent si loin.

Accusé d'avoir "mangé lard en Carême", Clément Marot sait qu'il risque le bûcher. Certes, il n'est pas coupable de ce "crime", mais ses sympathies pour la Réforme et les idées de Luther ne plaident pas en sa faveur. La faute est grave, car, en ces temps qui préludent aux Guerres de Religion, on ne badine pas avec le pouvoir ecclésiastique. Le poète est dans une situation d'autant plus délicate que ses puissants protecteurs sont absents de Paris. François 1er est prisonnier de Charles Quint depuis la défaite de Pavie, l'année précédente, et Marguerite d'Angoulême est en Espagne pour négocier la libération de son frère. Clément Marot a adressé une courte épître, dans laquelle il affirme "point ne suis luthériste", à l'un de ses juges, le théologien maître Bouchard. En vain.
Mais, aussi dure soit-elle, l'épreuve de la prison va révéler le talent du poète. En désespoir de cause, celui ci se tourne vers Lyon Jamet, seigneur de Chambrun et clerc des Finances. Dans l'Epistre à Lyon Jamet, le poète joue sur les mots, clein d'oeil au prénom de son ami et adaptation libre de la vieille fable du lion et du rat. Jamet transmet le "message" à l'évêque de Chartres, Louis Guillard. Le temps a passé, le "crime" de Marot a été oublié et, surtout, François 1er est enfin rentré en France. Le roi, dont le goût pour la belle écriture est flatté, peut voler au secours du "rat" Marot injustement pris au piège. Le 1er mai 1527, le poète est libéré. Entre temps, il a composé une autre épître, l'Enfer, violente satire de la vie en prison que, prudemment, il ne fera publier qu'en 1532.

A sa sortie du Châtelet, le poète succède à son père, le rhétoriqueur Jehan Marot, au poste de valet de chambre du roi. Cette charge honoraire rémunérée est la plus haute fonction à laquelle puisse accéder un roturier. De nouveau dans les faveurs du souverain, Clément Marot peut se consacrer pleinement à son art. Inspiré par les doux yeux d'Anne d'Alençon, il dédie à la belle des rondeaux, des élégies et des épigrammes pleins de délicatesse. Mais le bonheur sera de courte durée.
En octobre, Marot s'en prend encore à l'autorité, civile cette fois. Sur un coup de tête, il s'attaque aux sergents du guet qui transfèrent un prisonnier d'une geôle à une autre. Le quidam parvient à s'échapper. Et, pour avoir porté secours à un parfait inconnu, le poète est de nouveau incarcéré, cette fois à la Conciergerie.
Il y revit l'Enfer, bien que de manière moins tragique, puisqu'il ne risque pas le bûcher. Là encore, il compose une épître à François 1er pour obtenir sa grâce. L'Epistre au roi pour le délivrer de prison est un petit chef d'oeuvre d'humour et de fantaisie dans lequel il fait mine de plaisanter sur sa nouvelle mésaventure.

"Roy des François, plein de toutes bontez,
Quinze jours a (je les ai bien comptés),
Et dès demain seront justement seize...
Trois grands pendards viendront à l'estourdie
En ce Palais me dire en desarroy :
'Nous vous faisons prisonnier par le Roy'.
Incontinent, qui fut bien estonné?
Ce fut Marot, plus que s'il eust tonné."

C'est là tout l'art de Clément Marot, à la fois rebelle et bien aimé du roi, qui se lance dans des aventures insensées, traverse des moments difficiles, puis se tire d'affaire grâce à sa virtuosité et à la complicité de François 1er, qui ne peut résister à ses talentueuses épîtres. En amoureux des arts et des lettres, le souverain n'a jamais failli à son rôle de protecteur des écrivains et des artistes. Le 5 novembre, après quinze jours d'incarcération, Clément Marot est libéré sur ordre du roi. Celui ci, ne jugeant pas son cas pendable, s'est une fois de plus laissé séduire par son impertinence et l'élégance de son style.

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