LES CAPETIENS
LOUIS VIII LE LION

 

LOUIS DE FRANCE ET BLANCHE DE CASTILLE MARIES A LA SAUVETTE

Rarement les chroniques françaises ont été aussi discrètes sur un mariage. Pourtant, les noces de Louis de France, fils de Philippe Auguste et futur Louis VIII, et de Blanche de Castille, petite-fille d'Aliénor d'Aquitaine et nièce de Jean Sans Terre, doivent sceller la réconciliation entre la France et l'Angleterre. Mais, en ce 23 mai 1200, on ne se fait pas encore totalement confiance!

Dans la vallée de la Seine, verdoyante en cette matinée de printemps, le cadre semble bien propice à la célébration de noces royales. Tapie au milieu de prairies et de boqueteaux, l'église du petit bourg de Port Mort accueille une nombreuse assistance. Des moines, des prêtres, des comtes, des barons, des chevaliers, français et anglais, ainsi que des gens du peuple sont venus assister, enthousiastes, au mariage de deux enfants. Sous le porche, l'archevêque de Bordeaux, Elis de Malemort, reçoit les consentements de Louis de France, jeune prince de treize ans, et de Blanche, infante de douze ans.
Si le chroniqueur anglais Matthieu Paris ne donne pas force détails sur les cérémonies, c'est sans doute parce qu'il n'y a pas assisté. Cependant, les chroniqueurs français ne sont guère plus prolixes sur l'événement, qui est pourtant le mariage de l'héritier de la Couronne. Il faut dire que les noces sont célébrées dans un village de Normandie, fief du roi d'Angleterre, et non sur le domaine royal, pourtant distant de quelques kilomètres seulement.

Si les cérémonies se déroulent en territoire "ennemi", c'est pour la bonne raison que le pape Innocent III a jeté l'interdit sur tout le domaine royal en raison des désordres de la vie conjugale de Philippe Auguste. Au royaume de France, les sacrements ne peuvent plus être administrés. Le roi s'est donc résolu à ce que le mariage de son fils ait lieu sur les terres de son adversaire, afin que personne ne puisse un jour contester cette union. Mais, signe de la méfiance qui règne toujours entre les deux souverains, Jean Sans Terre s'est constitué otage sur les terres de Philippe Auguste. Il y restera tant que le prince Louis ne sera pas sorti de son fief normand.
Les jeunes époux ne s'attardent pas. A peine l'office religieux terminé, ils se dirigent en toute hâte vers Paris. Point de banquet ni de tournoi, comme il en est habituellement offert après les grands mariages du temps. On est bien loin des noces princières auxquelles Blanche a assisté à la Cour du roi Alphonse VIII de Castille, son père, ou de celles dont elle a entendu le récit. Sans doute, l'infante est-elle déçue de voir la cérémonie plutôt insolite de Port Mort si vite expédiée.
C'est que Blanche est issue d'une Cour raffinée et littéraire, une Cour influencée par celle de sa grand-mère, Aliénor d'Aquitaine, à Poitiers. Au château de Palencia, près de Burgos, son père accueille des troubadours aussi célèbres et talentueux que Giraut de Borneil, Uc de Saint Circ ou Floquet de Marseille. Peire de Vidal ne tarit pas d'éloges sur cette Cour ouverte et sur la libéralité des souverains castillans. Blanche a écouté les poèmes de Guilhem de Berguedan, chantant la beauté de sa mère, Aliénor d'Angleterre, et pleurant un amour impossible.

Princesse cultivée, elle a reçu une sérieuse éducation religieuse, mais elle est aussi capable de composer un poème chanté en l'honneur de Notre Dame. D'une beauté froide et classique, avec une longue chevelure très brune, souriante, attachante, elle fait preuve d'intelligence et de bon sens. Sa grand-mère Aliénor a été sensible à la sûreté de jugement et à la fermeté de caractère déjà perceptibles chez cette jeune fille de douze ans. Elle correspond parfaitement au destin que les politiques envisagent pour elle.
L'évêque de Paris, Eudes de Sully, en vertu de son obéissance au pape et à son interdit, a supprimé les offices. C'est pourquoi aucune festivité n'accueille le jeune couple à son arrivée dans la capitale, pas même une sonnerie de cloche.
La Cour capétienne que découvre Blanche l'étonne par sa rudesse. L'atmosphère autour de Philippe Auguste est austère. En matière d'éducation, la philosophie est à l'honneur, à l'exemple des écoles de Paris, où elle tient une grande place à côté de la théologie. Que le temps des troubadours semble lointain. Séparée de sa famille, privée des plaisirs de cette Cour raffinée auxquels elle était habituée, Blanche s'enferme dans une profonde tristesse, que son jeune époux essaie vainement de combattre. Au palais, aucune dame n'est présente pour l'aider, la comprendre...
Mais, très vite, Blanche prend conscience de ce que son futur devoir de souveraine exige d'elle, et, surmontant courageusement sa mélancolie, elle retrouve le sourire.

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