LES CAPETIENS
ROBERT II LE PIEUX ET LE PEUPLE
LE ROI ROBERT II, MEDECIN DU PEUPLE
Fils et héritier de Hugues Capet, fondateur de la dynastie des Capétiens, Robert II règne pendant près de quarante ans. Il est surnommé "le Pieux" par son biographe, le moine Helgaud, qui multiplie les manoeuvres pour que le souverain soit canonisé. Roi méconnu, Robert II a lancé ce qui sera la marque sacrée des rois de France : le "don miraculeux" du roi qui, médecin suprême, guérit ses sujets.
Ce que l'on sait de Robert II vient surtout du moine
Helgaud, auteur de sa biographie, "La vie du Roi Robert ". Mais l'ouvrage n'est
pas tant une biographie (même outrancièrement complaisante) qu'une "vie de saint". Helgaud décrit un saint roi, paré de toutes les vertus; surtout de celles qui
plaisent aux moines. A quelques détails conjugaux près, qui rendront à ce saint
trop saint sa vraie nature d'homme turbulent.
Selon Helgaud, le roi fait des miracles comme le Monsieur Jourdain, le bourgeois
gentilhomme de Molière, fait de la prose : sans même y penser. Mais on y pense pour
lui. Surtout à ce tournant de l'an mil où un surcroît de sainteté et de
légitimité monarchique ne peut nuire. On raconte ainsi que sur le parvis de la
cathédrale d'Orléans, encore ville principale de ce roitelet, à peine Robert aurait-il
touché les yeux morts d'un mendiant aveugle qu'ils se seraient ouverts comme ceux de
l'aveugle de Siloè, guéri naguère par le Christ. Le bon moine connaît ses
classiques. Ce qui importe, c'est que la croyance en le pouvoir thaumaturgique du roi
de France date précisément du règne de Robert II. Le monarque peut accomplir ce prodige
non seulement parce qu'il est saint, sanctifié, oint de l'huile de la Sainte Ampoule,
mais aussi parce qu'il est roi d'essence divine. Dieu lui a donné ce pouvoir miraculeux,
et à lui seul. L'aveugle n'est qu'une péripétie. Le roi est surtout la providence des
lépreux. Et la lèpre, en ce temps là, est une maladie autrement plus redoutable que les
écrouelles (abcès des ganglions du cou) dont la cure va pourtant devenir le "sceau" des Capétiens et de leurs successeurs.
Robert est un esprit brillant, un théologien distingué et un expert en droit canon. Il
ne néglige pas une occasion, comme lors des fêtes religieuses, de laver les pieds des
pauvres. Sa vie durant, il n'a de cesse de protéger les clercs et les nécessiteux. Il
s'emploie à faire excommunier les pillards et, en 1024, réunit à Héry, dans
l'Auxerrois, un concile stipulant aux "fauteurs de troubles" de "signer
le pacte de concorde au nom de Dieu et des Saints". Cette charité bien ordonnée
n'empêche pas Robert d'aimer fort la poésie, d'être un excellent musicien et de
composer des psaumes. Il est capable de participer à l'un des très réputés tournois
poétiques des pays d'Oc, où il ne dépare aucunement.
Le texte de Helgaud étaie les fondements de la dynastie capétienne encore chancelante
mieux que n'importe quelle bulle papale : "La vertu divine accorda à cet homme
parfait une très grande grâce : celle de guérir les corps. De sa très pieuse main,
touchant les plaies des malades et les marquant du signe de la très Sainte Croix, il les
délivrait de toutes leurs douleurs et infirmités". Cette affirmation a valeur de
preuve puisque les fidèles sujets du roi le croient capable de guérir. Cette foi aveugle
conforte un souverain qui en a bien besoin.
La famille de Robert II, qui s'est imposée tout récemment par la ruse et l'intrigue,
n'est pas plus légitime qu'un autre. C'est pourquoi son père, Hugues Capet, l'a associé
au trône dès son propre couronnement, à Orléans, le jour de Noël 987. A la mort de
son père, en 996, Robert se fait couronner une seconde fois. En juin 1017, c'est à son
tour d'associer au trône son fils et héritier, le futur Henri 1 er.
"Le couronnement du jeune roi désigné rétablit l'hérédité au profit des
Capétiens", écrit Petit-Dutaillis. "Ce fut leur seule grande victoire
politique au XI ème siècle".
Le reste est moins brillant, les souverains ayant le plus grand mal à se maintenir :
"Au lieu de s'employer à créer une administration adaptée aux besoins et une
petite armée solide pour être les maîtres chez eux, Robert et les siens usent leur
énergie en des entreprises qui dépassent leurs moyens". De biens faibles moyens
qui ne permettent même pas à s'opposer aux nobliaux qui construisent des forteresses
déjà inexpugnables. Robert peut à peine restaurer le palais de la Cité à Paris. Pour
subsister, il fait le tour de ses petits domaines, en vivant sur le terrain. Mais il lui
reste un atout de poids. Dans ce désordre féodal qui le dépasse, le roi est le seul à
guérir : il est sacré.
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