L'ASSASSINAT DE CHARLES DE CASAULX
En février 1591, Marseille quitte
le giron de royauté pour devenir une sorte de république urbaine
et catholique. A sa tête, Charles de Casaulx, fils de bonne famille et
ligueur zélé, qui a pris le pouvoir par un coup de force. Pour
financer la résistance face à la Ligue ultra-catholique et aux
royaux ralliés à Henri IV, il va prendre des mesures de plus en
plus impopulaires. Et c'est en dictateur exécré qu'il sera assassiné
le 17 février 1596.
Marseille est assiégée. Au pied des remparts,
les troupes royales ont pris position, commandées par Charles de Lorraine,
quatrième duc de Guise, nommé gouverneur de la Provence par Henri
IV et chargé de soumettre la cité phocéenne, rebelle à
toute réconciliation avec le nouveau roi. A l'intérieur des murs,
la résistance est menée par le ligueur et premier magistrat de
la ville, Charles de Casaulx. Cependant la famine menace, et les denrées
sont de plus en plus chères : si bien que le peuple finit par être
exaspéré par la rigueur et les excès de celui qu'il soutient
depuis cinq ans.
Déterminé à faire face aux assaillants, Casaulx confie
le commandement de la porte Réale à l'un de ses capitaines, le
Corse Pierre de Libertat. Mais ce dernier est contacté en secret par
les royaux, qui lui proposent d'abandonner son poste et d'assassiner le dictateur
: et en échange, il recevra la charge de viguier (juge faisant office
de prévôt royal), cent soixante mille écus et diverses gratifications.
Libertat accepte le marché et, le 17 février 1596, assassine Casaulx,
dont le cadavre est traîné à travers la ville et la maison
pillée sous les cris de joie de la foule!
Charles de Casaulx, né le 30 mars 1547, est
issu d'une famille aisée d'origine gasconne. A vingt huit ans, il est
devenu intendant du port, commissaire de guerre, capitaine de la milice bourgeoise
du quartier de La Blanquerie. En 1585, ligueur zélé, il a pris
activement part au coup d'Etat manqué visant à offrir Marseille
au parti ultra-catholique. Contraint de se réfugier à Aix en Provence,
il a trouvé asile et protection auprès de Chrétienne d'Aguerre,
comtesse de Sault, figure de la Ligue provençale.
Dans le contexte politique tourmenté des guerres de Religion, Marseille
est divisée. D'un côté, les "bigarrats", riches
notables, négociants et armateurs, qui ont intérêt à
ce que la paix intérieure soit rétablie, souhaitent, dès
la mort d'Henri III en août 1589, se rallier au protestant Henri IV. De
l'autre, un parti populaire et ardemment catholique reste hostile au Béarnais.
Après deux tentatives infructueuses, en octobre 1589 et en octobre 1590,
pour se faire élire à l'hôtel de ville, Charles de Casaulx
s'empare du pouvoir par un coup de force en février 1591. En octobre
1592, il est nommé premier consul, poste qu'il occupera jusqu'en février
1596. Tout en bénéficiant du soutien sans faille de Louis d'Aix,
viguier de Marseille, il s'entoure au Conseil de marchands, de boutiquiers,
d'artisans et même de paysans, jusque-là exclus de l'administration
de la ville. Maître de Marseille, devenue une sorte de république
urbaine, il doit se garder de la Ligue, qui veut faire de la cité une
de ses bases militaires, autant que du parti royaliste, acquis à Henri
IV. Pour assurer sa défense, il recrute une troupe armée, renforce
et réaménage les fortifications et les fossés, s'empare
du fort Notre Dame.
En 1591, Casaulx s'oppose au duc Charles Emmanuel de
Savoie, qui veut faire arrêter son alliée de la veille, la comtesse
de Sault. En août 1592, Gaspard de Pontevès, comte de Carces, chef
de la Ligue provençale, échoue à s'emparer de Marseille.
En avril 1593, les forces royalistes sont repoussées : Jean de Nogaret,
duc d'Epernon, désormais soutenu par la comtesse de Sault, essaie de
forcer l'entrée de la porte d'Aix, mais se heurte à la résistance
de la milice.
Tous ces succès militaires confèrent à Casaulx une grande
popularité et lui permettent d'asseoir son pouvoir. Le ravitaillement
pose problème? Il fait armer deux frégates et les met à
la disposition de pirates marseillais. Les ressources manquent pour entretenir
son armée? Les marchandises et les navires sont encore plus lourdement
taxés, la population rançonnée. Si bien qu'une véritable
dictature s'installe. Lorsque les notables quittent la ville pour protéger
leurs intérêts, Casaulx s'empare de leurs biens et chasse leurs
familles.
Quand, en février 1594, Henri IV est sacré roi, la Ligue de Provence
accepte une trêve. Casaulx, lui, s'obstine à refuser toute tentative
de conciliation. De plus en plus isolé, il se tourne vers l'étranger
et, en 1595, demande assistance à Philippe II d'Espagne. Le Béarnais
réagit rapidement en chargeant Charles de Lorraine, gouverneur de la
Provence, de soumettre Marseille. Le 17 février 1596, l'assassinat de
Charles de Casaulx entraîne le retour de la ville dans le giron de la royauté.
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