LES CAPETIENS
PHILIPPE AUGUSTE, SA VIE

 

AGNES DE MERANIE, LE SEUL AMOUR DE PHILIPPE AUGUSTE

La première femme de Philippe Auguste, Isabelle de Hainaut, fille du comte de Flandres, meurt alors que son époux, parti pour la croisade, fait le siège de la ville d'Acre. En dix ans d'un mariage terne, elle lui a cependant donné, en 1187, l'indispensable héritier de la Couronne, le futur Louis VIII le Lion. En 1190, l'accouchement difficile de jumeaux mort-nés lui est fatal.

N'étant plus en mal d'héritier, le roi de France décide néanmoins d'épouser Ingeborge de Danemark. Le mariage, célébré en 1193, ne sera jamais consommé. Après une nuit de noces catastrophique (dont le déroulement reste cependant un mystère), le roi, fou de rage, répudie sa nouvelle épouse et l'enferme dans une forteresse. Ce qui s'est passé (ou ce qui ne s'est pas passé) entre Philippe et Ingeborge, met le roi dans une colère que rien ne saura apaiser. Et surtout pas la rencontre avec Agnès, la fille de Berthold IV, duc de Méranie, en Bavière. Entre la jeune Tyrolienne et le souverain de dix ans son aîné, c'est aussitôt le coup de foudre. En 1196, le roi décide d'épouser sa bien-aimée. Philippe et Agnès ne se quittent plus, pas même à la chasse où la belle manie l'épieu avec une rare et redoutable habileté.

Selon le schéma classique, le roi réunit un concile. Les évêques français lui donnent évidemment raison. Philippe, amoureux passionné, ne tient aucun compte de la décision papale. L'affaire s'enlise jusqu'à ce qu'un nouveau pape, Innocent III, estimant avoir également un droit de regard sur les affaires matrimoniales des souverains, brusque les choses. Rome devient le centre d'une immense toile d'araignée. Deux volontés et deux intelligences s'affrontent. Le pape (qui veut en réalité relancer la croisade selon ses intérêts tortueux) ne s'intéresse ni à Ingeborge ni à Agnès, ni au mariage chrétien. Il intime, ordonne, discute, marchande et veut des compensations. Enfin, début 1200, à bout d'arguments, Innocent III jette l'interdit sur une partie de la France. Les églises sont fermées, les cloches ne sonnent plus, les sacrements ne sont plus administrés. Il n'existe pas, au Moyen Age pire châtiment pour le roi et ses sujets que d'être condamnés à vivre et à mourir sans le secours de la religion.
Fou de rage, Philippe Auguste refuse de plier, pendant neuf mois. Il chasse les évêques et les curés ayant cédé à Rome et confisque les biens de ces "suppôts" du pape. L'Eglise de France est au bord du schisme, la vie religieuse est réduite à sa plus simple expression. Le choc est si rude que les deux adversaires, effrayés par les conséquences de leur intransigeance, se calment un peu.

Touché par la misère morale de son peuple, le roi finit par promettre de reprendre Ingeborge et, le coeur brisé, de se séparer d'Agnès qui se retire au château de Poissy. En septembre 1200, le concile de Soissons réintègre Ingeborge dans ses droits. Mais l'amour du roi reste plus fort que la raison d'Etat.
Pendant sept ans, cette affaire de coeur passionne les contemporains qui suivent ce roman à épisodes qui agite toute l'Europe. C'est aussi le pouvoir en Allemagne, et le grand duel entre Philippe et Richard Coeur de Lion, roi d'Angleterre, qui sont dans la balance. Ingeborge est la partie charme et sentiments d'un bras de fer à quatre.
Son déchirement personnel donne une grandeur supplémentaire au roi de France accablé par les forces anglo-angevines et le chantage papal. Innocent III soutient l'Empereur germanique, Otton de Brunswick, contre Philippe. Il faudra attendre la victoire de Bouvines le 27 juillet 1214 pour se passer du soutien du pape. Agnès est l'enjeu d'un marchandage qui dépasse les amants. C'est finalement le destin qui va disposer des grands de ce monde. Richard meurt bêtement dans un combat sans gloire. En 1201, à Poissy, Agnès meurt de chagrin en donnant le jour à un fils, Tristan, qui ne lui survivra que quelques heures. La grande querelle s'envole avec ses cendres et avec son dernier mot : "Philippe!". Il faut lui rendre cette justice qu'au plus fort de ses tourments, Philippe Auguste n'a jamais trahi la femme de sa vie. Ce roi de fer a été un amant de légende.

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