LES CAPETIENS
PHILIPPE AUGUSTE,
LES ARTS ET LES SCIENCES
LA CONSTRUCTION DE L'EGLISE GOTHIQUE DE CHARTRES
Peu après le terrible incendie qui a ravagé Chartres, dans la nuit du 9 au 10 juin 1194, les travaux de reconstruction de la cathédrale sont lancés sous l'impulsion de l'évêque Renaud de Mousson. Grâce à de nombreux dons et à un extraordinaire élan populaire, l'office pourra être célébré dans le nouveau sanctuaire gothique, dès 1220. Une prouesse sans égale due à un audacieux et mystérieux maître d'oeuvre.
Dans la nuit du 9 au 10 juin 1194, la cathédrale gothique de Chartres a été presque entièrement détruite par un terrible incendie. La cité, l'un des principaux centres intellectuels et spirituels du royaume, a elle aussi été rudement affectée par le drame. Plusieurs fois déjà, au cours des siècles précédents, le sanctuaire, qui accueille de nombreux pélerins venus rendre hommage à la Vierge et se recueillir devant les reliques de la Sainte Tunique, a été la proie des flammes. Mais c'est avec un enthousiasme débordant que chacun répond aux diverses sollicitations de l'évêque Renaud de Mousson. Et, sous l'impulsion du prélat qui est fortement soutenu par les chanoines du chapitre, les travaux de reconstruction vont immédiatement démarrer.
En réponse à l'appel à la générosité
qui a été lancé, les dons et les souscriptions affluent
de partout, notamment d'Angleterre. Parfois le miracle s'en mêle. Ainsi,
ému par le récit de la tragédie de Chartres, un jeune Anglais
séjournant à Soissons souhaite, comme beaucoup, faire une offrande.
Il fait don de sa seule richesse, un splendide collier d'or qu'il destinait
à sa fiancée. Mais son sacrifice est récompensé...
La nuit, trois dames, très belles, lui apparaissent en songe. Stupéfait,
le jeune donateur reconnaît parmi elles la Vierge Marie, qui porte au
cou le collier dont il s'est généreusement défait!
Les
puissants, comme les humbles, pourvoient à la reconstruction de la cathédrale.
Le roi de France Philippe Auguste fait don de deux cents livres; une somme permettant
l'édification de huit piliers. Les plus pauvres, ceux qui ne peuvent
participer en versant des espèces sonnantes et trébuchantes, mettent
leurs bras au service de l'évêque et des bâtisseurs. Sans
jamais ménager leur peine, ils s'attèlent aux charettes qui transportent
les matériaux, chargent et déchargent des tonnes de pierres et
de bois.
Les dons arrivent en telle quantité, avec une telle
régularité, que le chantier ne sera jamais interrompu faute de
financement suffisant. Grâce à cet extraordinaire élan populaire,
la nouvelle cathédrale est édifiée en une trentaine d'années.
Ce délai extrêmement court est à l'origine de la remarquable
unité architecturale du sanctuaire de Chartres, la plus grande réalisation
gothique au nord de la Loire après Saint Denis. Vers 1210, le culte peut
de nouveau être célébré dans la nef, dont certaines
ouvertures sont déjà ornées d'admirables verrières.
Dès 1215, Guillaume le Breton, poète et chapelain de Philippe
Auguste, s'émerveille devant la voûte de la nef, qui s'élève
à trente sept mètres au-dessus du sol et dont il compare les pierres
aux écailles d'une carapace de tortue. Celle-ci est achevée en
1220, de même que les parties basses du transept et le choeur. Le 1er
janvier de l'année suivante, les chanoines de la cathédrale peuvent
enfin assister à l'office dans les stalles qui leur sont réservées
dans le nouveau choeur.
Au cours de la décennie suivante, on met une
dernière main à la reconstruction du transept monumental, conçu
pratiquement comme une nef transversale. Vers 1225, à peine plus de trente
ans après le début du chantier, le gros oeuvre est achevé,
une partie de la décoration sculptée est très avancée,
la plupart des vitraux sont déjà posés. Il ne reste plus
qu'à terminer les parties hautes du transept. Ce sera chose faite vers
1230-1235.
Nul ne connaît l'identité de l'audacieux architecte
qui a dirigé les travaux du magnifique vaisseau de pierre de Chartres.
Si, parfois, le labyrinthe révèle le nom du maître d'oeuvre,
ici il demeure muet. Sans doute ce génial bâtisseur s'est-il formé
sur les chantiers de Laon et de Soissons, où ont aussi été
édifiées de splendides cathédrales. Selon certains historiens,
la construction de la cathédrale gothique de Chartres a été
supervisée par deux maîtres d'oeuvre : le premier aurait d'abord
conduit les travaux jusqu'en 1215 et le second se serait chargé de les
mener à terme.
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