LES CAPETIENS
HENRI 1ER ET LES PERSONNALITES
EUDES DE BLOIS CHAMPAGNE : LA FIN D'UN VASSAL REBELLE
Aventurier de grande allure, vassal turbulent et rebelle, le comte Eudes II de Blois Champagne rêve de couronnes et de royaumes, s'oppose tant aux Capétiens Robert le Pieux puis Henri 1er, qu'aux empereurs allemands Henri II, puis Conrad II. Mais sa mort au combat, le 15 novembre 1037, sonnera le glas de ses ambitions et annoncera la disparition de sa puissante principauté, qui menace le domaine royal en le prenant en tenaille.
Né en 995, Eudes de Blois Champagne intervient
dans toutes les guerres de son temps. Parfois, cela lui réussit : ainsi, après
la mort de sa femme, il conserve la ville de Dreux, que celle-ci lui a apporté
en dot, contre la volonté du duc Richard II de Normandie et grâce à l'arbitrage
du Robert le Pieux. En 1023, sans la moindre reconnaissance pour le capétien,
qui l'a favorisé, il occupe la Champagne lors de l'ouverture de la succession
du comte Etienne 1er de Troyes, son cousin issu de germains, mort sans héritier
direct.
Comte de Chartres, de Blois et de Tours, Eudes II adjoint alors à
ses possessions de la vallée de la Loire les riches comtés champenois de Troyes
et de Meaux, prenant de ce fait le domaine royal en tenaille, en devenant l'un
des plus puissants vassaux du roi de France.
A peine entre-t-il en possession de la
Champagne, que, insatiable, il commence à harceler ses voisins : il dépouille
l'archevêque Eble de Roucy du comté de Reims et bat monnaie à sa place. Puis,
il s'attaque au duc de Lorraine et au comte de Toul, bâtissant des forteresses
sur leurs domaines. Mais il va trop loin en s'aventurant imprudemment en terre
d'Empire. L'Empereur Henri II fait alliance avec Robert le Pieux pour administrer
une correction, à Ivois, en 1023, à ce turbulent feudataire que l'assemblée
de Verdun condamne à restituer la Lorraine et à démanteler ses places fortes.
Comme
son père, à qui il succède en juillet 1031, Henri 1er doit batailler fermes
contre Eudes de Blois Champagne, d'autant que celui-ci n'hésite pas à entrer
en rébellion au côté de la reine mère Constance d'Arles. A l'été 1032, le comte
Eudes conteste l'élection de Gilduin de Joigny au siège archiépiscopal de Snes,
impose son candidat, l'archevêque Mainard, et prend possession de la ville.
Le Capétien ne peut lui faire rendre raison que l'année suivante, avec l'aide
du duc Robert 1er de Normandie, à qui il cède le Vexin français, future pomme
de discorde des décennies suivantes.
En septembre 1032, Eudes de Blois Champagne
revendique de surcroît la succession de son oncle maternel, le roi Rodolphe
III de Bourgogne. L'empereur Conrad II a beau coiffer la couronne en février
1033, il ne désarme pas et passe à l'offensive en Lorraine, où il est contré
par l'alliance des troupes impériales et capétiennes.
En 1034, le conflit entre dans une seconde
phase, qui sera "cause de ruine et
de désolation pour le peuple français tout entier",
rapporte la chronique. Eudes II est rejoint par de nombreux grands seigneurs
du domaine royal et met sur pied une coalition. En 1037, il s'en prend de nouveau
à l'Empereur : l'archevêque Héribert de Milan, en rébellion contre Conrad II,
promet au comte de Blois Champagne la couronne de fer et même la couronne impériale.
Alors que l'Allemand guerroie en Italie, Eudes II croit l'heure venue de porter
le coup décisif. Il se jette sur la Lorraine, s'empare de Bar le Duc et s'apprête
à marcher sur Aix la Chapelle. Mais il est arrêté par l'armée qu'ont levée les
vassaux lorrains de l'Empire.
Le 15 novembre 1037, une dernière bataille
s'engage dans la plaine d'Honol, entre Bar le Duc et Verdun. Le sort des armes
favorise d'abord Eudes; mais, au plus fort de l'action, celui-ci semble pris
de panique et donne le signal de la retraite. Deux mille Champenois sont tués,
l'étendard de Blois Champagne tombe entre les mains des vainqueurs. Le lendemain,
le corps du comte Eudes est retrouvé nu et mutilé. Le puissant seigneur aurait
été identifié, dit-on, grâce à la verrue qu'il aurait eue entre le sexe et l'anus;
et la chronique affirme qu'avant de l'ensevelir, à Marmoutiers, on lui aurait
coupé la tête pour l'envoyer à l'Empereur.
La mort d'Eudes de Blois Champagne,
adversaire redoutable et vassal indomptable, laisse le roi Henri 1er soulagé
d'un grand poids. Les fils du défunt, Etienne et Thibaud, reçoivent en héritage
le premier Troyes et Meaux, le second Blois, Tours et Chartres. Mais ce partage
scelle la disparition de la principauté constituée par Eudes II et libère le
royaume capétien de la menace d'être pris en tenaille.
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