LES CAPETIENS
LOUIS X LE HUTIN, SA VIE

 

LA MORT OPPORTUNE DE MARGUERITE DE BOURGOGNE

En novembre 1314, Louis X le Hutin succède à son père, Philippe le Bel. Il monte sur le trône seul, sans reine à ses côtés. Son épouse, Marguerite de Bourgogne, convaincue d'adultère, croupit au fond d'un cachot. La jeune femme, qui va trouver la mort dans d'obscures circonstances, ne verra jamais le printemps de 1315. Opportunément veuf, Louis X peut se remarier afin d'assurer sa descendance.

Marguerite, fille du duc Robert II de Bourgogne, a quinze ans lorsqu'en 1305 elle épouse Louis, le fils aîné du roi Philippe IV le Bel. D'un an son aîné, celui-ci est virtuellement roi de Nvarre, depuis la mort de sa mère Jeanne. Il ne portera ce titre qu'en 1307, après son couronnement à Pampelune. C'est en dirigeant son royaume ibérique depuis la France que l'héritier du trône se prépare à régner.
Belle et spirituelle, Marguerite aime le luxe et les fêtes. Comme ses deux belles-soeurs, Jeanne et Blanche, épouses des frères cadets de Louis, qui régentent le palais. Jeanne, fille d'Othon, comte palatin de Bourgogne, et de la comtesse Mahaut d'Artois, a épousé en 1307 le futur Philippe V le Long. Sa jeune soeur, Jeanne, s'est mariée en 1308 avec le futur Charles IV le Bel, comte de la Marche.
Mais en 1314, les jeunes femmes perdent tout. Le roi Philippe le Bel a donné l'ordre d'arrêter ses trois brus. La reine Marguerite et les deux princesses sont accusées de coupables liaisons avec deux écuyers de l'Hôtel royal, les frères d'Aulnay, qui sont aussitôt emprisonnés. En 1832, Alexandre Dumas s'inspirera très librement de ce scandale dans son roman "La tour de Nesle". Mais la chronique du temps ne parle ni de tour, ni de jeunes amants jetés dans la Seine.
On ignore comment Philippe le Bel a eu vent des infidélités des jeunes femmes. Marguerite, comme ses belles-soeurs, n'est pas surveillée. Chez les Capétiens, épouses et princesses jouissent d'une réputation sans tache. Pourtant, quelqu'un a dû parler.
Selon certaines chroniques, Philippe le Bel a été informé du dévergondage de ses brus par sa fille Isabelle, reine d'Angleterre. De passage à Paris, elle a remarqué que les deux écuyers arborent à la ceinture des aumonières qu'elle a auparavant offertes à Marguerite et à Blanche. Selon certaines versions, ces cadeaux n'auraient eu pour objet que de confirmer ses soupçons. Isabelle, dit-on, jalousait le bonheur et l'insouciance affichés par les princesses. Il est possible aussi qu'elle ait surpris quelque secret d'alcôve à l'occasion d'un incendie qui s'est déclaré en pleine nuit, en 1313.

Philippe le Bel a choisi de frapper les coupables d'un châtiment exemplaire et public. Sans doute, l'affaire commence-t-elle de s'ébruiter. Sous la torture, les deux frères avouent le détail de leurs relations amoureuses, Philippe d'Aulnay avec Marguerite et Pierre Gautier avec Blanche. Leur liaison dure depuis deux ans et demi. Diverses personnes, complices présumées, sont torturées et discrètement jetées dans la Seine. L'exécution des deux jeunes hommes est d'une grande cruauté. A la mesure du crime d'adultère, aggravé par surcroît de celui de lèse-majesté. Ils sont écorchés vifs, châtrés et décapités en place publique de Pontoise.
Après les aveux de leurs amants, les princesses peuvent difficilement nier les faits. Seule Jeanne clame son innocence. "Pour Dieu, dites à mon seigneur Philippe que je meurs sans péché", crie-t-elle. Rien dans les interrogatoires ne prouve qu'elle a commis l'adultère. Mais on lui reproche d'avoir été complice en se taisant. Elle implore en vain la clémence du roi qui la fait emprisonner au château de Dourdan. La reine Marguerite et Blanche sont incarcérées à Château-Gaillard.
Marguerite est une femme brisée qui se dit "moins affligée de sa propre confusion que du discrédit qu'elle a jeté sur l'honneur des dames nobles". Vêtue d'une simple robe de bure et les cheveux coupés court, elle est enfermée dans une geôle, l'une de celles où les conditions de vie sont les plus difficiles.

Des sentiments de Louis, l'époux bafoué, la chronique ne dit rien. Mais nul ne doute que cette affaire est pour lui une tragédie. En tant qu'homme, il est un mari trompé. En tant que père, il peut mettre en doute la légitimité de sa fille, la future reine Jeanne II de Navarre. Enfin, en tant qu'héritier au trône, il est privé de l'épouse qui pourrait lui donner un descendant mâle. En novembre 1314, à la mort de Philippe le Bel, il est roi et il devient urgent pour l'avenir de la dynastie qu'il ait un fils. Seul le décès de la captive peut résoudre le problème, car l'Eglise ne considère pas l'adultère comme un motif d'annulation du mariage. L'hiver 1315 s'achève à peine, quand on apprend la mort de Marguerite. On rapporte qu'elle a péri étranglée (ou étouffée) sur l'ordre de Louis X. D'autres historiens pensent que la jeune femme n'a simplement pas résisté au régime d'une prison glacée. En août, Louis X se remarie avec Clémence de Hongrie. Mort en avril de l'année suivante, le roi ne connaîtra pas son fils posthume, Jean 1er, qui ne vivra, par ailleurs, que quelques jours.

Le plus de la fiche

Page MAJ ou créée le

© cliannaz@free.fr