LES CAPETIENS
PHILIPPE V LE LONG, CHEF D'ETAT

 

"FEMME NE SUCCEDE PAS AU ROYAUME DE FRANCE"

Roi contesté, Philippe V le Long convoque une assemblée de Grands pour légitimer son pouvoir. Une partie des nobles et des prélats du royaume, des bourgeois de Paris et des docteurs de l'Université vont reconnaître ses droits à la Couronne. Mais le 3 février 1317, ils iront encore plus loin en excluant les femmes de la succession au trône.

Le 2 février 1317, Philippe V le Long a réuni à Paris de nombreux membres de la noblesse, la plupart des prélats du royaume, des bourgeois de la capitale et des docteurs de l'Université. Souverain à la légitimité contestée, il entend ainsi recueillir "l'approbation" de ses sujets. De fait, l'assemblée, présidée par le chancelier Pierre d'Arrablay, est unanime à ratifier son couronnement, lui jure obéissance et confère à ses descendants le droit de succession. Quant à Jeanne de Navarre, fille de feu le roi Louis X le Hutin, elle est écartée du trône.

Mais le 3 février, le lendemain de cette séance exceptionnelle, l'assemblée outrepasse sa fonction en déclarant que "femme ne succède pas au royaume de France". Voilà tout ce que l'on sait de la fameuse déclaration qui exclut les femmes du trône. Alors que par la suite elle fera tant parler et semblera cruciale (en raison de la Guerre de Cent Ans, provoquée par les prétentions du roi Edouard III d'Angleterre, petit-fils en ligne maternelle de Philippe le Bel, à la Couronne de France), sur le moment cette décision ne suscite aucun commentaire particulier de la part des contemporains. Le chroniqueur Thomas de Maubeuge note simplement : "Mais répondu il fut que femmes ne devaient pas succéder au royaume de France, laquelle chose ne se pouvait prouver". Le procès-verbal de la séance qui seul pourrait restituer la teneur des débats (ou plutôt du non débat) est perdu ou introuvable. Une chose est certaine : les Grands ne se sont pas éternisés à discuter des droits de Philippe le Long ou de Jeanne de Navarre : dans une lettre en date du 10 avril 1317, celle-ci reproche justement à son oncle paternel d'avoir étouffé toute discussion. Le nouveau roi n'aime en effet guère "parlementer" et préfère les actes aux paroles, sachant pertinemment qu'un droit ne s'exerce que s'il est soutenu énergiquement.
Les historiens ont longtemps été unanimes à croire que Jeanne de Navarre avait été exclue de la succession en raison de la loi salique : mais cette loi a été adoptée en tant que loi successorale seulement vers la fin du règne de Jean le Bon, et comme tant d'autres, dérive des faits plus qu'elle ne les dirige.

Cette loi salique, héritée du recueil des vieilles coutumes franques établi sous le règne de Clovis, existe bien, mais n'est en usage que localement. Il est possible que Philippe le Long en ait eu connaissance en tant que comte de Bourgogne, région où elle alors appliquée. Mais l'a-t-il invoquée pour autant lors de l'assemblée de février? On ne peut répondre avec certitude. Comme les chroniqueurs et les documents sont muets, il est probable que non, qu'elle n'a été utilisée que plus tard, quand le fait sera érigé en loi; quand les légistes, avec leur zèle coutumier, mèneront de longues investigations dans les vieux textes francs et jusque dans les Evangiles. Il ressortira de ces recherches que "les lys ne filent pas" et que "la Couronne de France ne peut tomber de lance en quenouille"; c'est-à-dire ne peut échoir aux femmes. En corollaire, le principe de l'exclusion du trône des descendants par les femmes sera posé : ce qui permettra de réfuter les prétentions d'Edouard III d'Angleterre et sera la cause de la Guerre de Cent Ans.
Philippe le Long est monté sur le trône avec l'approbation de la majorité du peuple de France. Dès son avènement, il a imposé le silence à ses adversaires non par des arguments, mais par le spectacle de sa force et de sa popularité. Désormais, la royauté française n'est plus considérée comme un fief. Peu à peu, les prêtres et les légistes vont la placer au-dessus des règles féodales et tendre à revenir aux conceptions antérieures, c'est-à-dire à celles qui étaient en vigueur à l'époque de Charlemagne, et même au temps des Mérovingiens. Enfin, la France, habituée depuis des siècles à être dirigée par une main virile, veut un souverain robuste et énergique; capable de monter à cheval comme Louis VI pour faire la police dans son royaume; de commander une armée comme Philippe Auguste pour vaincre l'ennemi de l'étranger; de traverser les mers comme Louis IX pour conduire la croisade contre les Infidèles. Les Français veulent un roi, non une reine. Comme l'exprime si bien, le chroniqueur Jean Froissart : "Le royaume de France est si noble qu'il ne peut aller à femelle".

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