LES VALOIS
HENRI II, LE PEUPLE |
LES MARTYRS DE LA RUE SAINT JACQUES La "Chambre ardente" instituée par Henri II pour lutter contre la diffusion de "l'hérésie protestante" a allumé de nombreux bûchers, qui échauffent la vindicte des Parisiens à l'égard des tenants de la Réforme. Dûment chapitré par des prédicateurs acharnés, le bon peuple est prêt à accepter n'importe quelle accusation de complot. Pour peu qu'on découvre que plusieurs centaines de huguenots se réunissent pour prier, les esprits s'affolent. Le châtiment des "martyrs de la rue Saint Jacques", coupables, dans la nuit du 4 au 5 septembre 1557, d'avoir chanté les louanges du Seigneur va être aussi terrible qu'exemplaire. Dans la nuit du 4 au 5 septembre 1557, rue Saint Jacques, des ombres se glissent furtivement jusqu'à l'hôtel Barthomier appartenant à un chanoine et occupé par un avocat au Parlement proche de l'Eglise réformée de Paris, Nicolas Clinet. Ces huguenots se réunissent, clandestinement afin d'échapper à la suspicion générale, pour louer Dieu, chanter des psaumes, mais aussi prier pour la santé du roi et la prospérité du royaume. Mais ils sont trop nombreux, quatre cents ou cinq cents, pour passer inaperçus; et pour échapper à la vigilance des religieux et des élèves des collèges catholiques voisins du Plessis et de la Sorbonne. Les Réformés sont immanquablement repérés par ce pieux voisinage, qui les soupçonne de nourrir de noirs desseins, voire de fomenter quelque diabolique complot : le fait qu'ils se réunissent nuitamment n'en est-il pas la preuve? Les prêtres et les pensionnaires des collèges s'empressent de passer à l'action et d'ameuter le peuple. Bientôt, l'hôtel Barthomier est assiégé par une foule furieuse, qui s'est précipitée les armes à la main. Conscients du danger, les seigneurs présents organisent la retraite de leurs coreligionnaires et sortent leurs épées pour les protéger. La plupart parviennent à s'enfuir. Mais, dans la mêlée, un homme tombe à terre, touché par une pierre : il est lynché et son cadavre est traîné au cloître Saint Benoît. Les femmes, les plus attachées à leurs convictions, sont nombreuses à refuser de sortir. Sitôt que le procureur Martine, alerté par le guet, arrive sur les lieux, la foule exige qu'il arrête ces "hérétiques"; sinon, elle se chargera elle-même de les châtier. Bien qu'il comprenne que cette réunion est pacifique, le magistrat ne peut s'opposer à la vindicte populaire : il se saisit des réformés qui n'ont pu fuir et les conduit, sous les invectives et les horions de la population, à la prison du Châtelet, où il les fait jeter dans le cachot des assassins. Quelque cent trente huguenots sont mis aux fers : hommes du peuple, serviteurs, artisans, étudiants, clercs, gentilshommes et une trentaine de nobles dames; soit un échantillon assez représentatif de ceux qui ont adhéré à la religion réformée. L'affaire est confiée au Parlement et le procès instruit par le lieutenant civil Meunier. Le théologien Maillard est chargé de faire entendre raison aux accusés et de les inciter à revenir à la "vraie foi". Mais ses exhortations restent vaines. Philippa de Luns, veuve du seigneur de Graveron, âgée de vingt trois ans et qui vient récemment d'accoucher, est particulièrement rétive aux arguments de l'accusation et répond vertement aux questions de Meunier. Croit-elle en la réelle présence du Christ lors du sacrement de l'Eucharistie? "Eh! Monsieur, qui croirait que cela fut le corps de Celui à qui toute puissance a été donnée et qui est élevé par dessus tous les Cieux, quand les souris le mangent et les singes s'en jouent", s'exclame-t-elle, tout en sachant que cette impertinence et le refus de renier sa foi vont lui valoir la peine de mort. De fait, elle est condamnée au bûcher, comme deux de ses coreligionnaires, Nicolas Clinet et Taurin Gravelle. Le 14 septembre, elle s'apprête à affronter son châtiment avec un grand courage et quitte ses habits de veuve pour revêtir le chaperon de velours des nobles dames "comme pour être jointe à son époux Jésus Christ". Elle refuse toute confession, qu'elle dit ne devoir qu'à Dieu, et rejette la croix qu'on veut lui glisser entre les mains, s'écriant que ses juges lui font déjà porter sa croix en la condamnant injustement au bûcher. Sans crainte, elle tend sa langue au bourreau pour qu'il la lui coupe. Et elle est étranglée après que ses pieds et son visage ont été soumis aux flammes. Ses compagnons, eux, sont brûlés vifs. Le 18 mai, quatre autres "martyrs de la rue Saint Jacques" sont exécutés : Nicolas Le Cene et Pierre Gambars sont brûlés; François de Rebeziers et Frédéric Danville pendus et jetés au feu. Page MAJ ou créée le |