LA TRAHISON DU CARDINAL BALUE
Louis XI est connu pour se montrer impitoyable envers ceux qui le trahissent.
Il ne faillira pas à sa réputation après l'arrestation,
le 23 avril 1469, du cardinal Balue et de l'évêque Guillaume de
Haraucourt. Pour avoir ourdi une machination destinée à brouiller
le roi et le duc de Bourgogne, Charles le Téméraire, les deux
prélats seront sévèrement punis.
Ambitieux, le Poitevin Jean Balue n'est pas renommé
pour ses scrupules. Il a deux protecteurs auxquels il doit sa carrière
: Jean de Beauvau et Jacques Jouvenel des Ursins, des ecclésiastiques
de haut rang. Il a été trésorier du chapitre d'Angers,
avant de devenir évêque d'Evreux en février 1465. Or, convoitant
l'évêché d'Angers, que détient Beauvau, il n'hésite
pas à favoriser la disgrâce de son protecteur, qui est exilé
dans un couvent et dont il prend la place.
Aumônier du roi, Jean Balue connaît une ascension
rapide. Très vite, Louis XI le fait entrer dans son Conseil. En septembre
1467, il vient d'être fait cardinal lorsque le souverain le dépêche
en mission diplomatique auprès du duc de Bourgogne Charles le Téméraire,
qui le reçoit le 6 octobre. Il est chargé de proposer une alliance,
mais la rencontre se termine sans résultat tangible. Louis XI souhaite
néanmoins une entrevue avec le Téméraire. Comme d'autres
conseillers du roi, Balue n'y croit guère, mais il obtempère.
Le souverain veut négocier, et les discussions se poursuivent. Au bout
du compte, le Bourguignon accepte de recevoir le Valois à Péronne.
Son sauf-conduit scellé le 8 octobre 1468, Louis XI quitte Noyon; le
lendemain, il est à Péronne, accompagné seulement d'une
petite troupe et, bien entendu, de Jean Balue. Le duc de Bourgogne, lui, est
entouré d'une imposante garnison. Le roi est piégé et les
négociations sont difficiles. Le 10 octobre néanmoins, un accord
semble sur le point d'intervenir, lorsqu'on apprend que Liège s'est révoltée
contre le duc de Bourgogne. Dans la ville rebelle, on a vu des envoyés
français. Le souverain se retrouve captif. Balue est chargé d'acheter
des complaisances parmi les proches du duc de Bourgogne; pour ce faire, il a
reçu quinze mille écus dont (première erreur) il conserve
la moitié, ce dont Louis XI ne manque pas d'être averti. Au
bout de trois angoissantes journées, Louis XI accepte les conditions
posées par le duc, dont celle de se rendre à Liège. Un
traité est établi, les deux protagonistes prêtent serment
en présence de Jean Balue. A Liège, Louis XI, humilié,
doit assister à la répression contre ceux qui ont crié
"Vive le roi de France". Il quitte la ville sous les insultes, et
c'est Balue qui a pour mission de faire enregistrer le traité par le
Parlement.
Rapidement, ce n'est plus le monarque que l'opinion publique
rend responsible de cet échec, mais ses "mauvais conseillers",
Jean Balue, le cardinal d'Angers, en tête, puisque, même s'il l'a
accepté au début à contrecoeur, il a joué un rôle
déterminant dans les négociations qui se sont achevées
par ce désastre. Son ambition, son ascension rapide ont valu au prélat
de nombreux ennemis dans l'entourage royal. Le faste qu'il a déployé
lorsqu'il a reçu le chapeau de cardinal à Notre Dame de Paris,
le somptueux festin qui a suivi la cérémonie ont suscité
haines et jalousies. On met en avant son orgueil, sa suffisance, sa propension
à faire son propre éloge, ses mauvaises moeurs, on conteste même
ses compétences et son savoir, que l'on dit bien limité. On finit
par l'accuser d'avoir trahi le roi, et celui-ci cesse de l'appeler au Conseil.
Fin 1468, Balue se lance dans une opération (vraie tentative de trahison
ou stratagème?) destinée, comme il l'affirmera toujours, à
prouver sa fidélité en sortant le roi d'une mauvaise situation
où il l'aura lui-même placé. Il se fait seconder par
Guillaume de Haraucourt, un ami d'enfance, ancien conseiller et chancelier de
Charles de France, frère cadet de Louis XI. Alors évêque
de Verdun, Haraucourt semble promis à une belle carrière; en 1465,
il a favorisé la négociation entre Louis XI et le roi René,
a été fortement récompensé, et le titre de cardinal
semble devoir lui revenir à lui aussi dans un proche avenir. En avril
1469, Jean Balue écrit au duc de Bourgogne pour lui conseiller de repousser
un accord concernant la Guyenne et d'inciter Charles de France à la révolte
armée. Les partisans de Louis XI s'emparent du messager et, le 23, les
prélats sont arrêtés, leurs biens confisqués. L'opinion
publique approuve et, par la même occasion, le roi se trouve définitivement
déchargé du camouflet de Péronne dont on peut désormais
complètement accabler les deux compères. Balue et Haraucourt
sont accusés de trahison et il est question de les traduire en justice,
mais le pape Paul II s'y oppose : lui seul a autorité pour juger un
cardinal ou un évêque. Le roi se soumet, mais n'élargit
pas pour autant ses prisonniers. Le cardinal ne sera relâché qu'en
décembre 1480, à la demande du cardinal-légat Giuliano
Della Rovere et contre promesse de se retirer à Rome. Haraucourt ne sera
libéré qu'en 1482, sous condition de ne pas retourner en Lorraine.
Un temps exilé à Vintimille, il ne retrouvera son siège
que sous Charles VIII.
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