LA GRANDE PESTE RAVAGE LE ROYAUME
Venue d'Asie Centrale dans
les cales des navires marchands, la peste noire débarque à Marseille en 1347. C'est la
plus terrible de toutes, la peste pulmonaire à laquelle on ne résiste guère plus de trois
jours. Dans son macabre tour de France, le fléau emporte un habitant sur trois.
La peste noire débarque à Marseille en
décembre 1347, avec les rats, passagers clandestins des navires ralliant les comptoirs de
la mer Noire aux ports méditerranéens. La dernière grande épidémie remonte aux
Mérovingiens, 600 ans plus tôt, et l'Europe a presque oublié ce fléau, le pire de
tous, la peste pulmonaire, toujours mortelle et terriblement contagieuse. La propagation
est fulgurante car la maladie touche une population déjà très éprouvée. La guerre,
mais aussi trois années de récoltes déplorables sont responsables d'une disette générale
et chronique. Les plus vulnérables, les mal nourris, sont les premières victimes. La
Grande Peste suit les chemins commerciaux, et rares sont les régions qui, comme le
Béarn, sont épargnées. Elle est à Montpellier en janvier 1348, puis suit la vallée de
la Garonne vers Toulouse et la Gascogne avant de remonter vers le Poitou et la Bretagne.
Paris est contaminée en août. A l'automne, c'est au tour de la Picardie et de la
Champagne.
Le fléau sème la mort sur son passage. A Montpellier, au couvent des dominicains, seuls
huit8 frères survivent, sur cent quarante. En Isère, certains villages perdent plus de la moitié de
leurs habitants, tout comme Castres et Albi. A Périgueux comme à Reims, le quart des
citadins disparaît. Ailleurs, c'est une personne sur cinq ou sur huit qui est emportée. Au
total, le royaume perd un tiers de sa population; une incroyable hécatombe!
La peste n'épargne personne. Riches et
pauvres, jeunes et vieux, hommes et femmes, tous sont menacés. Et tous cherchent, tant
bien que mal, à se prémunir contre la catastrophe. Il faut d'abord enterrer les
victimes; les fossoyeurs morts, les cadavres s'entassent sur des charniers. Villes et
villages louent des médecins à prix d'or. Malgré les charlatans, le roi Philippe VI
croit pourtant aux vertus de la médecine. Il exige de la Faculté de Médecine de Paris
des solutions. Celle-ci, bien impuissante, prodigue malgré tout ses bons conseils. La
population est invitée à ne point succomber aux amours passagères, à demeurer
cloîtrer chez elle afin d'éviter l'air pestilentiel des lieux publics.
L'alimentation doit faire l'objet des plus grands soins car la trop grande maigreur, comme
l'obésité, favorise la contagion. Il faut abandonner les fruits au profit des légumes
cuits assaisonnés de vinaigre; sacrifier parfois à la diète qui épure le sang;
préférer le vin à l'eau toujours suspecte. Toutes ces précautions sont bien souvent
vaines. Reste un dernier exutoire : la fuite...
Cependant, nombreux sont ceux qui ne peuvent se réfugier dans les rares contrées
épargnées. Ils se barricadent alors chez eux, refoulant étrangers et colporteurs,
cessant tout commerce avec l'extérieur. La méfiance et la suspicion s'emparent des
esprits. Les malades sont abandonnés à leur sort, les morts enterrés à la hâte aussi
loin que possible. Seuls les ordres mendiants font preuve d'un extrême dévouement. Aussi
payent-ils un lourd tribut à l'épidémie. En 1349, les couvents cordeliers de Marseille
et de Carcassonne ne comptent pas un seul survivant.
Pour le peuple, la colère divine se
calmera lorsque les coupables auront été châtiés. Les mendiants et surtout les Juifs
sont accusés d'avoir empoisonné les puits et les fontaines. Les pogroms commencent et se
muent parfois en véritable massacre. En Alsace, avant même l'arrivée du fléau, les
Juifs sont envoyés au bûcher. En juillet 1348, le pape Clément VI peut bien excommunier
les auteurs de ces violences, la terreur continue.
D'autres cherchent dans l'astrologie la clé du mal qui les frappe. Le Collège des
médecins parisiens présente la conjonction de Jupiter, Saturne et Mars du printemps 1345
comme première cause de l'épidémie. Ailleurs, on accable une mystérieuse étoile dont
l'explosion aurait projeté des rayons mortels sur Paris et sa région.
En 1349, la peste s'éloigne du royaume de France et poursuit son macabre voyage vers les
contrées nordiques. Mais le pays est saigné à blanc. Près de trois siècles, encore
marqués de terribles épidémies, seront nécessaires pour combler les pertes humaines.
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