Le sacre de Philippe III le Hardi
C'est près d'un an après la mort de son père, le pieux
roi Louis IX, et son retour de la huitième croisade que Philippe III
le Hardi va recevoir l'onction solennelle du sacre. Les cérémonies
se dérouleront le 15 août 1271 à la cathédrale de
Reims sous le magister de l'évêque de Soissons Milon de Bazoches.
Philippe III le Hard est devenu roi dans de tragiques circonstances, le 25
août 1270, à la mort de son père Louis IX devant Tunis. Sitôt
après son avènement , les barons de la huitième croisade
lui ont solennellement rendu hommage. Puis le jeune souverain et son armée
ont quitté la Tunisie et pris la mer pour la Sicile, royaume de son oncle
Charles d'Anjou. Là, il lui a fallu renoncer à pousuivre son expédition
jusqu'en Terre Sainte et décider de rentrer en France en escortant les
restes de son défunt père. En chemin, en Calabre, il a été
confronté à un nouveau drame : la mort de son épouse Isabelle
d'Aragon, en janvier 1271. Dans ces circnstances, il n'a pu être question
de procéder aux cérémonies de son sacre dès son
retour à Paris au mois de mai. Comme pour compenser le deuil sévère
qu'il a dû observer, Philippe le Hardi tient à célébrer
son couronnement avec beaucoup d'éclat : le coût des célébrations
se montera à plus de douze mille livres, alors que son père n'a
pas dépensé en son temps plus de quatre mille trois cents livres.
Le siège de l'archevêché de Reims étant vacant,
plusieurs évêques présents à la Cour font tout ce
qui est en leur pouvoir pour procéder au sacre. Mais le roi Philippe ne
veut pas faire cette injustice à l'église de Reims et réserve
cet honneur à Milon de Bazoches, évêque de Soissons et doyen
des suffrageants de la province de Reims, que le chapitre de cette ville a souvent
prié de remplir les fonctions de l'archevêque depuis la vacance
du siège. Le 15 août 1271, dans la cathédrale de Reims,
le prélat pose les questions rituelles au souverain. Promet-il de procurer
la paix aux Eglises et au peuple du royaume? Promet-il de redresser les iniquités
et de combattre les ennemis de Dieu? Promet-il de faire régner la justice
et la paix? et ainsi "fit le roi le serment e garder l'état du royaume
et des Eglises selon les anciennes coutumes", rapporte le chroniqueur Primat.
Après quoi il scelle sa parole dans un parchemin qu'il remet à
l'évêque. Afin qu'il soit procédé au sacre, Philippe
le Hardi se place devant l'autel. Il défat sa robe, ouvre par-devant
et par-derrière sa cote de soie, puis on lui passe des chausses et des
éperons d'or. Il baise l'épée d'or que lui tend l'évêque
avant de la remettre au comte Robert d'Artois, son cousin germain, qui la tiendra
bien droite devant lui jusqu'à la fin de la cérémonie.
Le roi l'a préféré à plusieurs seigneurs, lui confiant
l'honneur de porter devant lui cette "épée Joyeuse",
l'épée de Charlemagne, que l'on conserve en mémoire des
victoires du grand Empereur et qui appartient au trésor de l'Abbaye
de Saint Denis.
Le roi est à genoux; il est oint sept fois, comme autan de sacrements,
au sommet de la tête, sur l'estomac, entre les épaules, sur chacun
des bras, aux jointures des bras. Il revêt ensuite la tunique et la dalmatique
royales de soie violette brodée de fleurs de lis d'or. Le sceptre d'or
lui est remis dans la main droite la main de justice en ivoire dans la gauche.
Au doigt, l'évêque lui passe l'anneau, symbole de son union avec
son peuple. Tandis que Milon de Bazoches saisit la couronne royale pour en ceindre
Philippe le Hardi, les pairs du royaume tendent la main et la posent sur le
bord de la couronne, formant une étoile. Ils conduisent ainsi le roi
jusqu'à son trône, symbolisant comme une autre couronne autour de
lui, pour signifier qu'il règne sur eux avec leur approbation. "Quand
les solennités des messes furent dites, les barons et le peuple s'assemblèrent
au dîner, et toute la ville trépoit de joie, et, au soir, moult
de précieux vêtements furent donnés des barons aux ménestrels",
relate Primat. Dès la fin des réjouisances, Philippe le Hardi
se rend en visite dans le Vermandois et, prié par le comte d'Artois de
daigner traverser ses terres, fait étape à Arras où, pendant
quatre jours, sa présence suscite une liesse sans pareille. La ville
est toute pavoisée de couleurs variées; le comte Robert y a convié
les dames et les demoiselles du pays pour se joindre aux femmes des bourgeois. Puis
le roi regagne son domaine de France et, le 29 août, se rend en pélerinage
à l'abbaye de Saint Denis. Son règne n'a pas commencé à
la mort de Louis IX; c'est seulement en ce mois d'août 1271 que, solennellement
et rituellement oint de Dieu lors des cérémonies de Reims, le fils
du saint roi accède comme le veut la tradition à l'authenticité
e l'exercice du pouvoir royal.
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