LES CAPETIENS
LOUIS VII LE JEUNE, CHEF D'ETAT

 

UNE QUERELLE D'INVESTITURES
(MAI 1141 - JANVIER 1143)

Autour de Louis VII, deux clans, celui des "modérés" et celui des "durs", s'affrontent pour savoir qui du jeune roi ou du pape, du "temporel" ou du "spirituel", a autorité pour nommer les évêques. Avec l'élection de l'archevêque de Bourges, en mai 1141, cette véritable querelle d'investitures va tourner au conflit armé.

Primat d'Aquitaine, l'archevêque de Bourges exerce son autorité de métropolitain sur la plus grande partie du Massif Central : le roi tient donc à ce qu'il soit un de ses fidèles. A cette occasion, Louis VII entend aussi signifier au pape Innocent II sa détermination à jouer un rôle de premier plan dans toute procédure d'élection. Au début du mois de mai 1141, deux candidats sont en présence. L'un, le clerc Cadurc, appartient à la tendance dure de l'entourage royal, et sa rapide ascension (le roi vient d'en faire son chancelier) marque l'échec des modérés et de l'abbé Suger, qui a été le grand conseiller de feu Louis VI. L'autre, Pierre de La Châtre, est proche de Rome et pressenti par le parti modéré, bien implanté au sein du chapitre de Bourges. Le roi croit mettre toutes les chances du côté de Cadurc en déclarant l'élection libre, mais en interdisant au chapitre de Bourges de désigner Pierre de La Châtre. Le 26 mai, les électeurs passent outre et se prononcent pour ce dernier.

Refusant l'investiture du nouveau élu, Louis VII s'attire les foudres du pape : "Ce roi est un enfant dont l'éducation est à faire; il faut l'empêcher de prendre de mauvaises habitudes". Fin 1141 ou début 1142, Innocent II confère lui-même la consécration épiscopale à Pierre de La Châtre. Le roi jure que jamais celui-ci ne prendra possession de son siège. Le pape réplique en jetant l'interdit sur le diocèse. Une véritable querelle des investitures renaît entre le pontife, qui soutient la supériorité de nature de la puissance sacerdotale sur le pouvoir temporel, et le Capétien, pour qui la royauté est sacerdotale, investie d'un pouvoir de même nature que celui du pape. L'heure est d'autant moins à la médiation que le comte Thibaud de Champagne, qui a accueilli Pierre de La Châtre dans ses Etats au début de l'année, se déclare ouvertement hostile à la politique religieuse du roi et devient l'allié du Saint Siège.
Une autre affaire va jouer le rôle de détonateur : le sénéchal Raoul de Vermandois répudie son épouse, la nièce du comte Thibaud, pour épouser Pétronille d'Aquitaine, la soeur cadette d'Aliénor, chef de file du clan anti-champenois. Quelques prélats complaisants ont prononcé l'annulation du premier mariage sous prétexte de consanguinité et béni le second.
Le comte de Champagne en appelle à Innocent II. Le souverain pontife saisit l'occasion et sanctionne en la personne de Vermandois un des principaux responsables de la rupture entre la monarchie française et le Saint Siège. Il dépêche un légat, qui frappe d'interdit les terres du sénéchal et excommunie les nouveaux époux. Mais Louis VII entend conserver l'initiative et soutient officielement la cause de son "beau-frère".

En représailles, le roi envahit la Champagne au cours de l'été. Son armée traverse les évêchés de Reims et de Châlons, remonte la vallée de la Marne et met le siège devant Vitry, chef lieu du comté de Perthois qui relève du comte Thibaud. Bâti au sommet d'un coteau, le château de Vitry domine un bourg prospère peuplé de deux à trois mille habitants. Les troupes royales s'attaquent à la ville basse, bousculent la milice bourgeoise, investissent les rues, pillent et incendient les maisons. Bientôt, le bourg et le château ne sont plus qu'un immense brasier. Certainement sans ordre de Louis VII, le feu est mis à l'église, et les quelques 1 500 personnes qui s'y sont réfugiées périssent dans les flammes.
Horrifié et très affecté par ce drame effroyable, le roi verse des larmes, ce qui ne l'empêche pas de continuer à porter, avec une violence extrême, la dévastation jusqu'au coeur de la Champagne. Le comte Thibaud semble perdu, bien que seuls le plat pays et quelques forteresses de second ordre aient été occupés par l'ost royal. Aussi il attend patiemment les propositions de Louis VII, qui ne veut pas s'enliser dans un long conflit et ne tarde pas à négocier. A l'automne, les modérés des deux partis, tels Suger pour le roi et Bernard de Clairvaux pour le comte, concluent l'ambigu traité de Vitry. Le pape lève l'excommunication lancée contre le sénéchal Raoul et Pétronille d'Aquitaine; en retour, le roi rend le comté de Vitry à Thibaud de Champagne. De son côté, Louis VII fait preuve de bonne volonté à l'égard de Rome en autorisant, en janvier 1143, l'élection d'un nouvel évêque au siège de Châlons sur Marne, vacant depuis l'été précédent.
Il ne lui reste plus qu'à résoudre le problème de l'interdit lancé sur ses terres à propos de l'affaire, qui n'est toujours pas réglée, de l'élection de Bourges.

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