LES CAPETIENS
PHILIPPE V
LE LONG ET LES PERSONNALITES
MAHAUT D'ARTOIS, SORCIERE ET EMPOISONNEUSE ?
En conflit avec ses vassaux révoltés, la comtesse Mahaut d'Artois doit faire face à des ennemis particulièrement retors. Pour la perdre plus sûrement, certains n'hésitent pas à l'accuser de sorcellerie et d'avoir empoisonné Louis X le Hutin. Une accusation dont elle sera blanchie le 9 octobre 1317.
Petite-nièce de Louis IX et épouse du comte
Othon IV de Bourgogne, Mahaut d'Artois a hérité des domaines de
son père, le comte Robert II mort à la bataille de Courtrai en
juillet 1302. En 1309, un jugement l'a confirmée dans cet héritage
contesté par son neveu Robert III. S'estimant dépossédé,
celui-ci est entré en rébellion contre Louis X le Hutin et a soutenu
la révolte des petits seigneurs d'Artois contre sa tante. En 1315, la
querelle tournant à la guerre civile, le roi est intervenu en confiant
le gouvernement du comté à l'un de ses proches, Hugues de Conflans,
maréchal de Champagne; tandis qu'un second procès a été
ouvert.
En 1317, Mahaut d'Artois est accusée de sorcellerie et de
maléfices : elle aurait eu recours à un filtre pour réconcilier
son gendre, le roi Philippe le Long, avec sa fille
Jeanne de Bourgogne, compromise dans le scandale de la tour de Nesle. Plus grave,
elle aurait empoisonné Louis X le Hutin, mort en juin 1316, afin de faciliter
l'accession au trône de son gendre.
Ces accusations mettent si gravement
en cause l'honneur de la famille royale que le roi tient à ce que toute
la lumière soit faite sur cette affaire. Avec l'impartialité qui
est la sienne, il diligente une enquête au mois de juillet 1317 et ordonne
que la comtesse d'Artois soit confrontée à ses accusateurs, une
certaine Isabelle de Fiennes et son fils Jean, devant un tribunal. Chacun soupçonne
que ces "deux comparses" d'origine fort modeste sont manipulés
par de puissants personnages hostiles à la comtesse, les seigneurs de
Fiennes (sans lien de parenté avec Isabelle) et de Pecquigny, dont il
convient, selon le roi lui-même de "taire
les noms".
Mahaut d'Artois se
déclare prête à se justifier. Mais en tant que pair du royaume,
elle fait état de ses droits et formule des exigences : elle insiste
pour que suffisamment de pairs siègent à la cour, afin dêtre
jugée par ses égaux; et demande qu'il lui soit donné acte
que sa comparution ne portera aucun préjudice à ses privilèges.
Le 10 juillet, le roi lui donne satisfaction sur ces deux points. D'autre part,
il conduit l'enquête en personne; entouré des membres du Grand
Conseil, il interroge les dénonciateurs et sa belle-mère séparément
; puis il les confronte et examine un à un les vingt et un articles de
l'acte d'accusation.
La comtesse d'Artois se défend
pied à pied, réfute chacune des accusations, produit des alibis,
souligne les contradictions de la partie adverse. Par exemple, le philtre "réconciliateur"
aurait été confectionné avec du sang de Jeanne de Bourgogne
et des herbes : ele explique qu'il était impossible de communiquer avec
sa fille "tellement surveillée
au château de Dourdan qu'elle n'eût pu être saignée
en cachette".
En ce qui cocerne la
mort de Louis X le Hutin, Philippe le Bon entend les témoignages de la
veuve du défunt, la reine Clémence de Hongrie, et de ses chambellans.
Après ces auditions, des accusations proférées contre Mahaut
d'Artois il ne reste rien. Le roi porte le coup de grâce en témoignant
lui-même à propos du philtre : si celui-ci a existé, il
n'a eu aucun effet car "il n'avait ressenti
aucun redoublement de tendresse pour sa femme bien-aimée".
Cela achève de confondre les accusateurs qui, effrayés, avouent
avoir été les instruments de puissants seigneurs ennemis de la
comtesse d'Artois.
Le roi rend son arrêt avec la plus grande solennité
le 9 octobre 1317 dans la Grand Chambre du Parlement, devant les pairs du royaume,
un grand nombre de clercs et de chevaliers de son hôtel. La comtesse Mahaut
est complètemet innocentée. L'année suivante, le jugement
rendu à propos de la succession d'Artois la confirmera dans ses titres;
en compensation, Robert III recevra le comté de Beaumont le Roger, épousera
une cousine du roi et entrera au Conseil royal.
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