LES CAPETIENS
PHILIPPE 1ER, SA VIE
LA MORT DE PHILIPPE 1ER
Depuis près de dix ans, Philippe 1er n'est plus roi de France qu'en titre. Les affaires du royaume, tant politiques que militaires, il les a confiées à son fils aîné et successeur, le futur Louis VI. Si bien que lorsqu'il va s'éteindre, le 29 juillet 1108, la continuité du pouvoir sera assurée malgré les intrigues de son épouse, Bertrade de Montfort.
A quelque soixante quatre ans, le Capétien Philippe 1er
est "moult affaibli" : c'est un homme usé et un roi qui semble
se désintéresser du sort de son royaume. Il a vu sa santé s'altérer prématurément
en même temps qu'il a pris un embonpoint considérable.
Lorsqu'il a atteint
la quarantaine, il a laissé jouer un rôle politique et militaire de plus en
plus actif à son fils aîné, le futur Louis VI le Gros, qu'il a associé au trône
dès 1098. Sa vie privée agitée et ses déboires avec l'Eglise ont largement contribué
à l'atteindre moralement. "Emporté par la violence
de son désir pour la femme qu'il avait enlevée [Bertrade de Montfort], il ne
s'occupait qu'à satisfaire sa voluptueuse passion. Dans son excessif relâchement,
il ne s'intéressait plus à l'Etat, ni ne se souciait de la santé de son
corps, bien fait pourtant et plein d'élégance", constate Suger,
le futur abbé de Saint Denis.
A partir de 1092, sa liaison avec Bertrade de Montfort,
épouse du comte d'Anjou Foulques IV le Réchin, a valu à Philippe 1er la réprobation
générale. Cet "événement scandaleux jeta le trouble
dans le royaume", commente le chroniqueur Orderic Vital.
Excommunié
à plusieurs reprises puis de nouveau accueilli dans la communauté des chrétiens
en décembre 1104 par le pape Pascal II (qui a besoin de son soutien contre l'Empereur
Henri IV), le souverain n'a pas cessé d'être en conflit avec Rome, tant à propos
de ses affaires privées que de la querelle des Investitures. Certes, il a pu
passer outre les résistances et poursuivre la vie commune avec Bertrade de Montfort,
qu'il a en outre fait reconnaître comme souveraine légitime. Mais, à la longue,
cette véritable guerre d'usure l'a épuisé, au moral comme au physique. En 1108,
il n'est plus roi qu'en titre et n'exerce plus le pouvoir. Il a même renoncé
à intervenir dans les incessantes querelles qui opposent sa femme au prince
Louis, son héritier, issu de son premier mariage avec Berthe de Hollande.
Bertrade
de Montfort déteste son beau-fils et ne songe qu'à une chose : l'éliminer, afin
que l'aîné de ses propres fils, Philippe de Mantes, puisse monter sur le trône.
Elle voue une telle haine au futur Louis VI que, en 1102, elle va jusqu'à demander
au roi d'Angleterre Henri 1er Beauclerc de le faire emprisonner! Ayant essuyé
un refus de l'Anglais, elle en est réduite à jeter des mauvais sorts, à cribler
d'épingles des poupées à l'effigie du jeune prince... Jusqu'au jour où elle
finit par tenter de l'empoisonner et manque de peu de réussir. Seule la gravité
de ce geste parvient à sortir Philippe 1er de son engourdissement. Indigné,
il prie son fils de pardonner... Après cet épisode familial édifiant, le roi
retombe dans son apathie.
Le 29 juillet 1108, au château de Melun sur Seine, Philippe
1er est emporté par la mort, pour une cause restée inconnue : en présence de
Louis VI, il "dépouilla en lui le roi et rendit le
dernier soupir", relate Suger. Ses obsèques solennelles se déroulent
en présence des évêques Galon de Paris, Hubert de Senlis, Jean d'Orléans, de
l'abbé Adam de Saint Denis et de maints grands dignitaires. Sa dépouille est
transportée à l'église Sainte Marie, où, pendant toute une nuit, est célébré
un service funèbre. Le lendemain, elle est transférée en grande pompe au monastère
de Saint Benoît, à Fleury sur Loire, où le défunt a souhaité être enterré. Louis
VI a fait orner la litière sur laquelle repose le corps de son père de riches
étoffes et d'une multitude de parures. Tandis que ses serviteurs portent le
royal fardeau sur leurs épaules, il les suit, tantôt à pied, tantôt à cheval,
toujours en pleurs.
Suger loue l'attitude du nouveau roi : "Admirable
de grandeur d'âme car, durant toute la vie de son père, ni pour la répudiation
de sa mère ni même pour les faveurs donnés hors mariage à l'Angevine [Bertrade
de Montfort], il ne l'offensa jamais en rien, ni ne chercha, comme c'est la
coutume d'autres gens, à mettre le désordre dans le royaume en portant atteinte
sur quelque point à son autorité".
Les désordres provoqués par
les grands féodaux, Louis VI s'y opposera avec constance et énergie en mettant
à profit les acquis du règne de son père : car bien qu'il ait été jugé sévèrement
par ses contemporains, et en particulier par les hommes d'Eglise, Philippe 1er
a, en près de quarante huit ans de règne, posé les premières bases de l'administration
capétienne, amorcé le redressement de l'autorité monarchique et l'expansion
du domaine royal.
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