LES CAPETIENS
ROBERT II LE PIEUX, CHEF D'ETAT
LES PREMIERS HERETIQUES CONDAMNES AU BUCHER
(1022)
La crainte de l'an Mil et de l'arrivée de l'Antéchrist déclenche au début du XIème siècle un vent de panique chez certaines élites ecclésiastiques. Des hérésies voient le jour partout en Occident, prônant la purification, seule garantie pour accéder au royaume des cieux. E 1022, à Orléans, Robert le Pieux allume le premier bûcher d'hérétiques et se pose en défenseur de la "vraie" foi.
On a dressé le bûcher à l'extérieur des remparts, car l'acte purificateur ne doit en rien souiller la cité royale. Sous les regards de Robert le Pieux, de la reine et d'une foule immense, les quatorze condamnés s'avancent, vêtus de la robe des pénitents. Malgré le sort qui les attend, ceux-ci sont fiers de défendre leurs convictions jusque dans la mort et, surtout, restent convaincus du bien-fondé de leurs croyances et d'obtenir le salut éternel. Observant les membres de ce sinistre cortège qui entonnent hymne sur hymne, la reine Constance reconnaît Etienne, qui a jadis été son confesseur. Prise d'une de ces rages folles dont elle est coutumière, elle se jette sur le religieux et, de la baguette qu'elle tient à la main, lui crève un oeil. Faisant son office, le bourreau allume le brasier. Aux chants succèdent les cris. La foule s'agite, ne comprend pas que l'on inflige un tel supplice à ces hommes d'Eglise, jadis puissants et respectés. Elle se précipite pour libérer les condamnés mais est vite contenue par les gens d'armes. Dans le jour finissant, le premier bûcher d'hérétiques s'éteint, tout comme la menace manichéenne qui planait sur Orléans.
En 1022, quand éclate l'affaire
d'Orléans, l'orthodoxie religieuse est encore une notion assez floue.
Il faudra attendre la fin du XIIème siècle pour que le concile
du Latran la fixe une fois pour toutes. Ayant constaté que sur ses terres
des clercs prêchent une foi peu orthodoxe, le duc Richard II de Normandie
a alerté Robert le Pieux. Le roi a fait remonter la filière jusqu'à
Orléans, sa capitale, sa ville natale où il a été
sacré. En décembre 1022, il y a convoqué un synode. Le
soir de Noël, les clercs convaincus d'hérésie (Herbert, maître
de l'école collégiale de Saint Pierre le Puellier, Foucher, Etienne,
ancien confesseur de la reine, et Lisoie, chantre de la cathédrale) sont
arrêtés, ainsi qu'une dizaine de religieux. Chose effrayante, les
suspects font partie de l'élite ecclésiastique orléanaise.
De plus, ce sont des proches de la famille royale. Déférés
devant un tribunal siégeant en l'église Sainte Croix pendant neuf
heures, les prévenus, fort cultivés, se sont énergiquement
défendus. S'ils ont admis fonder leurs pratiques sur la seule autorité
du Christ et des apôtres et avoué qu'ils envisageaient de convertir
le roi, ils ont refusé de se rétracter.
Pleinement conscients
de la peine qui les attend, ils ont déclaré vouloir en finir au
plus vite. La sentence est alors tombée, implacable : le bûcher!
Mais, avant d'être remis au bras séculier, chargé de leur
exécution, les condamnés ont été déchus de
leurs fonctions et excommuniés.
Pour certains historiens, cette affaire
cacherait une vengeance tardive. En 1010, l'évêché d'Orléans
est convoité par le comte de Chartres et de Blois ainsi que par le roi.
Le premier soutient un certain Oudry, neveu de l'évêque de Beauvais.
De son côté, le souverain, pour qui il est important que la communauté
religieuse de sa capiatle soit dirigée par un allié, appuie un
de ses fidèles, Thierry. Après d'âpres discussions, Robert
le Pieux est parvenu à imposer son candidat.
Il faut croire que le
clan de Chartres lui en a gardé rancune. Car, c'est grâce à
l'action acharnée d'ecclésiastiques de Chartres que les hérétiques
d'Orléans ont été démasqués. En 1022, l'évêché
d'Orléans est dirigé par Oudry. Garant de l'orthodoxie, le candidant
malheureux de l'élection de 1010 a veillé de près au déroulement
du procès et n'aurait pas manqué d'accuser le roi si celui-ci
avait ménagé ses proches.
Robert le Pieux frissonne. S'il perd
l'appui du prélat, c'est toute la France qui pourrait s'écerter
de lui, et son maintien sur le trône serait compromis. Défenseur
de l'Eglise, il doit se montrer inflexible et impitoyable. Cependant, n'oubliant
pas ses anciens amis, il les suppliera à plusieurs reprises de renoncer
à leurs "erreurs". En vain....
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