LES CAPETIENS
LOUIS VII LE JEUNE ET LES
PERSONNALITES
RAOUL DE VERMANDOIS, UN SENECHAL TURBULENT
Au sein du conseil de régence que Louis VII a mis en place le 12 mars 1147, à la veille de son départ pour la croisade, Suger a la haute main sur les affaires du royaume. Mais la tâche de l'abbé de Saint Denis va être singulièrement compliquée par les actions irréfléchies et les intrigues du sénéchal Raoul de Vermandois, un vaillant homme de guerre qui fait pourtant preuve d'une grande loyauté à l'égard de la monarchie capétienne.
Avant de partir pour la deuxième croisade, Louis VII met en place, le 12 mars 1147, un conseil de régence qui aura la charge des affaires du royaume pendant son absence. Très vite, Suger, l'abbé de Saint Denis, qui bénéficie du soutien sans faille du Saint Siège, jooue un rôle prééminent au sein de ce conseil, face à l'archevêque de Reims et au sénéchal Raoul de Vermandois. Heureusement, car ce dernier n'est pas une tête politique!
Petit-fils en ligne paternelle du feu roi
Henri 1er, Raoul de Vermandois est un cousin issu de germains de Louis VI. Vaillant
chevalier, mais va-t-en guerre et impétueux, et, si l'on en croit son contemporain
Lambert de Wattrelos, "d'une avidité
sans égale", il a toujours été un fidèle serviteur
du Capétien. Dès 1112, il l'a soutenu dans sa lutte contre les seigneurs tyrans
Hugues de Puiset puis Thomas de Marle, qu'il a tué de ses mains pour venger
l'assassinat de son frère Henri de Vermandois. Au cours de l'été 1124, il a
rejoint à Reims l'ost royal parti en guerre contre l'Empereur Henri V : à la
tête des "excellents chevaliers de
ses terres", il a commandé toute l'aile droite de
l'armée.
En 1128, il a de nouveau bataillé au côté du roi lors de l'assaut
du château de Livry en Brie, où se sont retranchés les partisans d'Amauri de
Montfort et d'Etienne de Garlande. C'est là qu'il a été blessé par un carreau
d'arbalète qui l'a rendu borgne.
La chute d'Etienne de Garlande a entraîné
l'ascension de Raoul de Vermandois, qui lui a succédé dans les fonctions de
sénéchal, d'abord en 1129 sans en porter le titre, puis officiellement à partir
de 1132. Dans les dernières années du règne de Louis VI, le comte Raoul s'est
imposé, avec Suger, si différent de lui, comme l'un des hommes clefs de la Cour.
Brièvement en disgrâce en 1137, après l'avènement de Louis VII, il a été rappelé
dès l'année suivante et s'est rapproché de son royal parent en épousant, en
1142, Pétronille d'Aquitaine, la soeur cadette de la reine Aliénor. Mais, Raoul
était déjà marié à Eleonore, nièce du comte Thibaud de Champagne, qu'il a répudiée.
Il a ainsi été à l'origine d'un conflit durant lequel le pays champenois a été
ravagé et a fait l'objet d'une sentence d'excommunication lancée par le pape
Innocent II, qui n'a été levée qu'en 1147, à la mort de sa première épouse.
En cette même année 1147, alors que les
époux royaux sont partis pour la Terre Sainte, Raoul de Vermandois contribue
par sa turbulence à compliquer singulièrement la tâche de Suger. Dans le Beauvaisis,
il entreprend de partir en guerre contre le second mari de sa mère, Renaud de
Clermont, provoquant une agitation à laquelle l'abbé de Saint Denis est dans
l'impossibilité de mettre fin.
Le sénéchal entre en rivalité sourde avec
Suger en se mêlant aux intrigues de la comtesse Alix de Bourbon et du comte
Robert de Perche, la tante et le frère de Louis VII, qui tentent de discréditer,
voire de remplacer, le roi absent. En 1149, c'est avec son aide que le chancelier
Cadurc fait main basse sur la tour royale de Bourges. Après avoir refusé de
restituer la forteresse aux envoyés de Suger, Cadurc ne laisse guère de doute
sur ses intentions et sur les appuis dont il bénéficie. "Je
vous prie de demander au comte Raoul de m'adresser en secret une lettre contenant
l'ordre suivant : -Moi, comte Raoul, je t'ordonne à toi, Cadurc, de ne rendre
la tour de Bourges à nul homme, ainsi que tu m'en as fait serment, si ce n'est
à moi et à mes propres hommes-. Sachez que nous sommes de vos amis et que la
cité de Bourges est à vous si vous faites ce que je vous demande et si vous
vous rendez prochainement à Bourges afin d'y rencontrer la comtesse de Bourbon",
écrit il au comte de Perche. L'abbé Suger réagit vivement et met en demeure
Raoul de Vermandois de remettre la tour aux mains d'un de ses chevaliers. Malgré
ce faux-pas supplémentaire, le sénéchal conservera jusqu'à sa mort, en octobre
1152, à la fois son titre et la confiance de Louis VII.
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