ISABEAU DE BAVIERE : L'ALLIANCE BAVAROISE
Charles VI va sur des dix
sept ans. Il songe à se marier. Ou plutôt ses oncles y
songent pour lui. Pour resserrer les précieuses alliances allemandes, c'est en
Bavière qu'ils trouvent la future reine de France. Le mariage de Charles avec
Isabeau sert aussi admirablement les intérêts de Philippe le Hardi,
l'ambitieux duc de Bourgogne.
Sur son lit de mort, Charles V a ordonné que son fils prenne épouse dans
"les Allemagne". Il n'est plus nécessaire de chercher une princesse
capétienne pour affermir la légitimité des Valois, puisque, avec Charles VI,
la dynastie en est à son quatrième souverain. En revanche, le jeune roi a grand
besoin d'alliés face à l'Anglais, toujours menaçant. Son défunt père lui a
laissé tout un réseau d'alliances en terre d'Empire. Il lui revient de
renforcer ces liens. Le mariage est une occasion rêvée. Reste à trouver la
jeune Allemande qui apportera aux Capétiens un sang de très haute et ancienne
noblesse.
Depuis 1383, les quatre oncles du roi, qui depuis 1380 exercent le pouvoir en son
nom, songent sérieusement à une union avec les Wittelsbach. La puissante
famille (qui compte un empereur, Louis IV de Bavière, parmi ses aïeux) règne
sur la Bavière, le Palatinat romain et la Hollande. La bonne entente entre ses
différentes branches renforce encore sa position sur l'échiquier européen.
Bien que Charles V ait fondé la politique étrangère de la France sur
l'amitié avec l'empereur Charles IV de Luxembourg, il n'a jamais négligé les
Wittelsbach. En 1373, il a fiancé Marie de France, sa fille alors âgée de deux
ans, avec l'héritier du Hainaut. En 1379, son autre fille, Catherine a été
promise à l'héritier du Palatinat. Cependant le feu roi ne s'est jamais
intéressé à la branche bavaroise. Indifférence réciproque. Quand les
Wittelsbach de Munich cherchent des combinaisons matrimoniales, ils regardent
plutôt du côté des Visconti qui, (depuis Milan), étendent leur influence sur
le nord de l'Italie. C'est néanmoins en Bavière que les oncles de Charles VI
vont trouver une jeune princesse à marier.
En août 1383, Frédéric de
Bavière rejoint l'armée du roi de France lors de la première expédition de
Flandre contre les Anglais. Le prince allemand, petit-fils de l'empereur Louis
IV, est traité avec les honneurs dus à son rang, et les ducs de Bourgogne et
de Berry lui tiennent souvent compagnie.
Dès que l'occasion s'en présente, on lui pose la question de confiance :
a-t-il une fille à marier? "Pas moi,
répond-il, mais le duc Etienne, mon frère aîné, en a
une fort belle... Entre treize et quatorze ans". "C'est
tout ce qu'il nous faut, répondent les oncles. Parlez
en à votre frère et amenez votre nièce en pèlerinage à Saint Jean d'Amiens.
Le roi y sera. S'il la voit, peut-être la désirera-t-il, car il voit
volontiers toutes les belles créatures et il les aime. Si elle touche son coeur,
elle sera reine de France".
La proposition n'enthousiasme guère le duc Etienne de Bavière. La France est
bien loin et "il y a trop à considérer pour faire
une reine de France et une femme de roi", explique-t-il à
Frédéric. Il apprécie peu la tradition française de soumettre la fiancée
"toute nue" à l'examen de matrones chargées de voir si la future
reine est capable de procréer. Et encore moins cette extravagante condition,
non prévue par les usages, que la jeune fille doive plaire au roi. "Je
serai trop courroucé si on menait ma fille en France et puis qu'elle me fût
ramenée : je préfère la marier à mon aise près de moi",
conclue-t-il.
On aurait pu en rester là, si
l'oncle Philippe le Hardi n'avait eu un avantage personnel à une alliance avec
les Wittelsbach. C'est la branche cadette, celle qui règne sur le Hainaut et la
Hollande qui intéresse d'abord le duc de Bourgogne. Ce dernier, époux de la
riche héritière Marguerite, est devenu comte de Flandre à la mort de son
beau-père, en 1384. Albert de Bavière est pour lui un voisin à ménager. Il
doit l'avoir comme allié pour écarter les Anglais des affaires flamandes, pour
favoriser l'expansion de sa principauté entre le Rhin et l'Escaut, voire pour
jouer un rôle dans l'Empire germanique.
Les deux hommes négocient un double mariage entre leurs enfants. Le 12 avril, à
Cambrai, le fils aîné d'Albert, Guillaume d'Ostrevant, héritier du Hainaut,
épouse Marguerite, fille du duc de Bourgogne, et le fils aîné du duc, le
futur Jean sans Peur, épouse Marguerite de Bavière.
Philippe le Hardi, qui souhaite s'attacher encore davantage les Wittelsbach,
relance le projet de mariage bavarois du roi, abandonné depuis deux ans. Les
autres oncles ne trouvent rien à redire à une alliance qui va contrer
l'influence anglaise aux Pays Bas. Le père de la jeune fille se laisse forcer
la main.
C'est le 14 juillet, à Amiens, que Charles VI va rencontrer Isabeau de
Bavière. Il en tombera tout de suite amoureux et l'épousera trois jours plus tard.
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