ODINETTE DE CHAMPDIVERS, LA "PETITE REINE" DE CHARLES VI
A partir de 1405, une femme, Odinette de Champdivers, va partager la vie de Charles VI. Ce
concubinage royal scandalise les bonnes gens. Mais la reine Isabeau de Bavière,
terrorisée par les crises de démence de son époux, s'en accommode fort bien.
Charles VI a sombré
dans la folie en 1392, à l'âge de vingt trois ans. Quand il est en crise, il ne sait
plus qui il est et ne reconnaît plus ses proches. Il repousse la reine Isabeau
: "Quelle est cette femme dont la vue m'obsède? Sachez si elle a besoin de
quelque chose et délivrez moi comme vous pourrez de ses persécutions et de ses
importunités afin qu'elle ne s'attache pas ainsi à mes pas".
Quand il recouvre la raison, il reprend avec lucidité son métier de roi,
réclame femme et enfants. En août 1393 est née une fille, conçue juste
après la première crise, le sixième enfant du couple. Isabeau l'appelle Marie
et fait voeu de la consacrer à Dieu. Conduite à l'âge de quatre ans au couvent de
Poissy, elle sera religieuse.
Malheureusement les accès de démence du roi, d'abord espacés, vont devenir
fréquents et, parfois, durer des mois entiers. En dehors de ces crises, Charles
VI est hanté par la souffrance qu'il vient d'endurer et par la peur d'une
rechute. Si Isabeau donne le jour à six autres enfants (le dernier naît en
novembre 1407), on peut sans peine imaginer combien sa vie conjugale a dû être
difficile. Le Religieux de Saint Denis y fait de discrètes allusions : "Comme
on craignait fort qu'en raison de sa maladie, il ne se portât à quelque
violence contre la personne de la reine, on ne le laissait point coucher avec
elle... Elle songeait aux maux qui la menaçaient ainsi qu'aux violences et aux
mauvais traitements qu'elle avait déjà endurés avec le roi..."
A la fin de l'année
1404, croyant que "le roi était merveilleusement mu
et indigné contre elle", Isabeau de Bavière craint pour sa vie.
Son beau-frère, Louis d'Orléans, lui conseille de fuir le royaume avec ses
enfants. Il se propose de l'accueillir dans un château du Luxembourg.
Finalement, la reine y renonce et l'état de Charles VI s'améliore. Mais les
rémissions ne durent jamais bien longtemps...
Dans ces circonstances, on ne s'étonne guère qu'Isabeau ait pu accepter
facilement la présence d'une autre femme aux côtés de son époux. En 1405, le
roi a une maîtresse, au vu et su de tout le monde. Les bonnes gens sont
choquées et condamnent un entourage qui laisse le pauvre roi fol en état de
péché. Cette "jeune personne belle, gracieuse et charmante"
s'appelle Odinette de Champdivers. Compagne attentive, garde-malade douce et
compatissante, elle veille sur le roi pendant ses accès de démence. On l'a
longtemps crue fille d'un marchand de chevaux. Il est plus vraisemblable qu'elle
était issue du milieu de l'Hôtel royal et d'une famille d'ancienne chevalerie
du comté de Bourgogne entrée au service du roi vers le début de XIVème
siècle. La seigneurie de Champdivers est proche de Dôle et de Saint Jean de
Losne. Odinette, vassale des ducs de Bourgogne, c'est à dire de Jean Sans Peur
au moment où elle entre dans le lit de Charles VI, se montrera toujours une
fidèle sujette du roi de France.
Le Religieux de Saint Denis loue le dévouement de celle que le peuple aime et admire, et
surnomme bientôt la "petite reine". Un dévouement dont elle est
amplement dédommagée. On lui donne deux beaux manoirs avec toutes leurs
dépendances, situés l'un à Créteil et l'autre à Bagnolet. A la mort de
Charles VI, qu'elle est sans doute l'une des rares à pleurer, le 21 octobre 1422,
Odinette de Champdivers quitte discrètement Paris pour Saint Jean de Losne, le
berceau de sa famille. Elle n'est pas dans le besoin. Le roi lui a laissé une
rente de 500 livres par an, assignée sur le péage de cette ville. Mais, en
raison des désordres dus à la guerre entre Charles VII et les
Anglo-Bourguignons, la malheureuse ne perçoit pas sa pension. Elle doit faire
appel au duc de Bourgogne, Philippe le Bon, qui a succédé à son père Jean
Sans Peur, assassiné en 1419. Celui-ci lui fait verser à plusieurs reprises de
modestes sommes. Odinette sait gré au duc de Bourgogne de la secourir.
Pourtant, en avril 1424, elle prend contact, à Dijon, avec frère Etienne, un
espion de Charles VII en mission en Bourgogne. Elle veut avertir le "roi de
Bourges" d'une conspiration tramée par des notables lyonnais pour livrer
la ville aux Anglais.
Cette initiative lui vaut de comparaître devant les juges de Philippe le Bon.
Face au chancelier Rolin et aux gens du Grand Conseil du duc, elle reconnaît
qu'elle a dénoncé le complot de Lyon. Pour "ne pas perdre mon âme",
déclare-t-elle dignement. Pour elle, malgré le traité de Troyes, qui le 21
mai 1420 a déshérité Charles VII au profit d'Henry V, le roi de France ne
peut être que le fils de celui qui a été son seigneur et maître.
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