LA NAISSANCE DU DAUPHIN CHARLES ORLAND
Attendue inmpatiemment, la naissance, le 11 octobre 1492,
du dauphin Charles Orland, premier fils de Charles VIII et d'Anne de Bretagne,
est saluée avec ferveur et enthousiasme. Paré de toutes les qualités,
le petit prince est promis à un bel avenir, mais il sera emporté
par une épidémie de rougeole à l'âge de trois ans.
Tous leurs espoirs sont comblés : la reine Anne
de Bretagne est enceinte, et le roi Charles VIII ne peut contenir sa joie. Voilà
plus de vingt ans que la Maison de France n'a pas vu la naissance d'un prince
destiné à régner! Or un souverain sans héritier
n'est pas libre de sa politique : il ne peut ni s'éloigner de son royaume
ni partir en guerre, car sa disparition soudaine plongerait immanquablement
le pays dans le chaos. Désormais objet de tous les égards,
la jeune reine soupire d'aise. Elle est amoureusement couvée par son
époux, toute fatigue lui est évitée, tout déplacement
inutile écarté. Aux beaux jours, radieuse et fière de ses
rondeurs, elle assiste aux joutes courtoises qui, à Paris, opposent les
seigneurs de la Cour. A l'automne 1492, au terme de sa grossesse, elle se rend
au château de Plessis lès Tours, spécialement aménagé
pour son accouchement et où ont été préparés
des meubles, du linge et jusqu'à la vaisselle d'or et d'argent ciselée
pour l'occasion!
Dans la nuit du 10 au 11 octobre 1492, la reine ressent
les premières douleurs. A ses côtés, Charles VIII, anxieux,
perd son calme, s'exaspère contre les médecins, la sage-femme
et les dames de la Chambre royale. Pourtant, tout se déroule au mieux.
A quatre heures du matin, un garçon vient au monde, parfaitement constitué
et apparemment robuste. Reste à lui choisir un prénom. Orland
(de Orlando, forme italienne de Roland) ne fait pas l'unanimité. Mais
le roi et la reine y tiennent, car il leur a été suggéré
par l'ermite et prédicateur François de Paule, en qui ils ont
toute confiance. La marraine, Jeanne Laval, veuve de René d'Anjou roi
de Naples et de Jérusalem, y est aussi favorable. En revanche, les parrains,
les ducs Louis d'Orléans et Pierre de Bourbon, s'opposent catégoriquement
à ce qu'un futur roi de France porte un nom étranger! Plaidant
pour la tradition, ils proposent Charles, Philippe ou Louis, à l'image
des ancêtres de l'enfant. Finalement, après trois jours de palabres,
on transige. Ce sera Charles Orland en français et Orlandus Carolus en
latin. Le 13 octobre, le dauphin est conduit en l'église Saint Jean
du Plessisour être baptisé en grande pompe. Porté par Jean
de Chalon, prince d'Orange, vêtu de drap d'or, il est entouré des
plus grands seigneurs de la Cour, chacun tenant le cierge, le bassin ou la serviette.
Pendant l'office, Charles VIII, profondément recueilli, tient la
main de François de Paule, lequel préside à la cérémonie
et bénit Charles Orland. Quant à Anne de Bretagne, qui n'est pas
encore relevée de ses couches, elle est la plus heureuse des mamans.
Il est vrai que la reine a des raisons de se réjouir.
Charles Orland est un robuste bambin. Le teint clair, les yeux noirs, vigoureux
et potelé pour son âge, il grandit bien. Plus tard, le chroniqueur
Philippe de Commynes le dira "bel enfant et audacieux en parole, ne craignant
point les choses que les autres enfants sont accoutumés de craindre". Pour
l'heure, Anne de Bretagne veille attentivement sur son fils. Elle le choie,
le cajole, lui offre des jouets, en particulier un "petit sifflet d'argent
à coquilles". Lorsque le petit prince atteint l'âge de dix
huit mois, on l'installe à Amboise; sous la surveillance de deux gouverneurs,
les sires de Boisy et de La Celle-Guénant, d'une gouvernante, madame
de Bussière, et entouré d'une multitude de serviteurs. Il fait
la fierté et la joie de ses parents. Charles VIII l'appelle "la plus
belle de ses pierres précieuses". Soucieux de sa santé comme
de ses progrès, le roi et la reine sont au courant de ses moindres faits
et gestes par le biais d'une correspondance suivie et très fournie. Le
roi prend toute une série de mesures afin de protéger son héritier.
La forêt d'Amboise est interdite de chasse; les portes de la cité
sont réduites à quatre, ce qui rend leur surveillance encore plus
aisée et facilite l'isolement total de la ville en cas de besoin; des
archers écossais triés sur le volet sont postés aux points
stratégiques du château. Et, pour parer à toute éventualité,
l'enfant est à portée des prières de François de
Paule. A l'automne 1495, alors qu'une épidémie de rougeole se
déclare en Touraine, sur ordre du souverain (qui de retour d'Italie séjourne
à Lyon, où la reine l'a rejoint), le dauphin est cloîtré
encore plus étroitement à Amboise. Mais toutes ces précautions
n'empêchent pas l'enfant de contracter la maladie. Malgré les efforts
des médecins et les prières des moines, il expire le 16 décembre
1495. Si Charles VIII, profondément touché, réussit à
dissimuler son chagrin, Anne de Bretagne, elle, s'abandonne à une violente
douleur.
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