CHARLES DE VALOIS CANDIDAT A L'EMPIRE (1er mai 1308 - Novembre
1308)
S'il ne peut monter sur le trône impérial,
vacant depuis le 1er mai 1308, Philippe le Bel présente un candidat qu'il
sait savoir garder sous sa coupe. Son frère puîné, le comte
Charles de Valois, pourrait bien faire figure de prétendant idéal.
Et faire illusion pendant que le roi de France règnerait dans la coulisse.
Mais, le 27 novembre, à l'issue du vote des princes allemands, le comte
de Luxembourg est élu Empereur sous le nom d'Henri VII.
L'empereur Albert 1er vient de mourir, assassiné,
le 1er mai 1308. Jusqu'alors, le Saint Empire Romain Germanique a tenu
la première place dans la politique européenne et, bien qu'il
soit désormais sur le déclin, Philippe le Bel s'empresse d'en
revendiquer le trône. En ce XIVème siècle commençant,
la notion "d'Empire universel" a vécu. Cependant, la charge
d'Empereur a gardé tout son prestige. Cinq ans plus tôt, le pape
Boniface VIII (en conflit avec le roi de France) a affirmé que nul souverain
n'échappe à l'autorité de l'Empereur, lui_même vicaire
du pape. Si "l'Empire universel" n'existe plus de facto, tant
sont nombreux les royaumes dégagés de toute subordination à
son égard, il conserve une existence de jure, ses lois s'appliquant
partout en Occident. Enfin, des trois royaumes de Germanie, d'Italie et de Bourgogne,
au début du XIVème siècle territoires d'Empire de droit,
seul le premier est encore, provisoirement, sous l'autorité effective
de l'Empereur choisi par les princes électeurs allemands.
Un temps, Philippe le Bel a songé à
se porter candidat au trône impérial. Mais, il a craint de provoquer
la coalition des monarchies occidentales et de la papauté contre un royaume
de France par trop hégémonique. Discrètement, mais fermement,
l'Aragon, l'Angleterre et le pape Clément V n'ont-ils pas fait connaître
leur désapprobation? Prudent, le roi a jugé préférable
d'encourager son frère puîné à se présenter
à l'élection. Politiquement incompétent et financièrement
dépendant, le comte Charles de Valois lui semble être le candidat
idéal. A la tête des domaines impériaux, qui ne génèrent
plus aucun revenu, sans administration ni armée, entouré de ses
conseillers, cet homme de paille restera à sa merci. Tout en ne paraissant
pas trop menaçant aux électeurs allemands. Fin mai, Philippe
le Bel envoie trois ambassadeurs offrir cadeaux et argents aux princes allemands.
Les archevêques de Cologne et de Layence répondent poliment, mais
refusent d'engager leur vote. Sollicité par le roi, le pape Clément
V, pourtant redevable, n'a pas daigné accorder son soutien à Charles
de Valois. Il s'est contenté de déclarer que son candidat serait
celui qui s'engagerait pour la croisade. Façon polie d'écarter
un prince dont tout le monde sait le peu d'enthousiasme que lui inspire le fait
de devoir partir guerroyer en Terre Sainte. Pendant ce temps, un autre candidat
marque des points : le comte Henri de Luxembourg. Epaulé par son frère,
l'archevêque de Trêves, celui-ci fait de la surenchère, promettant
d'accorder des droits régaliens aux princes électeurs
Le 27 novembre 1308, le comte de Luxembourg
est élu à l'unanimité. Il deviendra Empereur sous le nom
d'Henri VII et sera couronné à Rome, en juin 1312. Ce résultat
ne plaît pas à Philippe le Bel qui tente de soudoyer le pape Clément
V afin qu'il refuse de ratifier l'élection. Mais il est trop tard, et
l'échec de la stratégie du Capétien est patent. Certes,
le roi de France n'a pas eu à subir personnellement l'humiliation de
la défaite. Pourtant il en garde une profonde rancoeur. Seule le console
l'amitié qui le lie à Henri VII. Francophone, l'Empereur a longtemps
siégé parmi les barons français et entend bien vivre en
bonne intelligence avec son puissant voisin. Mais des intentions aux actes...
Bientôt, le nouvel élu se dressera contre la France à propos
des affaires italiennes. Quant au malheureux Charles de Valois, après
la Couronne d'Aragon, c'est la Couronne impériale qui lui échappe.
Victime d'un nouveau revers de l'Ostpolitik des Capétiens, balançant
éternellement entre l'affaiblissement et l'accaparement de l'Empire.
Avant le frère de Philippe le Bel, son père, Philippe III le Hardi,
n'avait pu accéder au trône impérial en 1273. Après
lui, le comte Philippe de Poitiers, en 1314, et Charles IV, en 1324, n'auront
pas plus de succès.
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