LES CAPETIENS
LOUIS VI LE GROS, CHEF D'ETAT

 

L'ASSASSINAT DE CHARLES LE BON, COMTE DE FLANDRE
(2 MARS 1127)

Charles le Bon, comte de Flandre, n'hésite pas à châtier les turbulents féodaux qui brutalisent et rançonnent le peuple et le clergé. Adulé par les humbles, mais considéré comme un "tyran" par une fraction de la noblesse, il sera traîtreusement assassiné le 2 mars 1127. La justice du roi Louis VI sera implacable.

En 1119, Charles le Danois, fils du roi du Danemark, a succédé à son cousin germain Baudoin VII la Hache, comte de Flandre, mort sans enfant. Ami et vassal du roi de France Louis VI, cet homme de guerre a pris part à la première croisade, et le peuple, qui le surnommera Charles le Bon, est ravi de l'avoir pour nouveau maître, ce contrairement aux nobles, farouchement attachés à leur indépendance et à leurs privilèges. Bertoul, fils du châtelain de Bruges, Erembaud, prévôt de Saint Donatien et faisant fonction de chancelier, est de ceux-là. Appartenant à un puissant lignage issu de la domesticité comtale, il a favorisé l'accession de Charles, qui reste néanmoins méfiant à son égard.
Le nouveau comte tient tête avec courage aux prétendants évincés, qui se sont ligués contre lui. En quelques mois, ses ennemis sont renvoyés dans leurs domaines, dépouillés de leurs biens, contraints à demander grâce.

Le comte de Flandre réprime sévèrement les excès des féodaux. Pour mettre fin aux guerres privées, au brigandage dont la noblesse fait profession, il frappe sans relâche ceux qui violent la paix de Dieu. Par un édit de 1122, il renouvelle l'interdiction de porter des armes, stipulant que les contrevenants seront punis avec leurs propres armes. Mais Charles ne se contente pas de légiférer : il agit. A Bruges, au coeur de ses domaines, une guerre entre deux partis fait rage. Deux cents paysans, ils sont les premiers à pâtir de ce conflit, l'implorent de leur venir en aide, car "leur bétail, leur argent, les meubles de leurs maisons, tout leur a été volé par les neveux du prévôt de Saint Donatien de Bruges et surtout par Bouchard, le plus turbulent de cette race de chevaliers incorrigibles", rapporte un chroniqueur. Dès le lendemain, par arrêt de la justice comtale, Bouchard est mis au ban et sa maison livrée au feu.
Grâce à Charles le Bon, la Flandre retrouve une tranquillité relative, favorable aux paysans et aux bourgeois, à l'essor du commerce et de l'artisanat. Le comte jouit d'une popularité immense, qui dépasse les limites de sa seigneurie. Au point que, en 1125, à la mort d'Henri V, l'archevêque de Cologne et une minorité de princes allemands lui offrent la couronne impériale. Mais la tâche qu'il a à remplir en pays flamand lui suffit.
Charles de Flandre commet l'imprudence de vouloir sévir de nouveau en ramenant à la condition servile dont elle était sortie la puissante famille de Bertoul. Rebelles à toutes mesures d'ordre, les neveux du prévôt de Saint Donatien, avec à leur tête le fameux Bouchard, ourdissent un complot afin de se débarrasser du "tyran".

Le 2 mars 1127, Charles de Flandre se rend à la collégiale de Saint Donatien. Alors qu'il s'est agenouillé pour prier, quatre neveux de Bertoul et leurs sbires se glissent derrière lui à pas de loup. Bouchard "dégaine avec précaution et, touchant très délicatement le cou du comte prosterné à terre, afin que celui-ci, pour peu qu'il se redresse, s'offre inopinément au tranchant de l'arme, il lui assène un coup et, de cette seule atteinte, l'impie décapite criminellement l'homme pieux. Ceux des auxiliaires de ce meurtre impie qui se tenaient là, assoifés de son sang, comme des chiens déchaînés sur des cadavres abandonnés, prenaient plaisir à mettre en pièces l'innocent. Pour ce qui est du comte, ses farouches assassins l'enterrèrent dans l'église même (...), puis, faisant de l'église une caverne de voleurs, ils la fortifièrent en même temps que la demeure du comte qui y était attenante, et, s'étant procuré toutes espèces de victuailles et d'aliments, ils décidèrent avec un orgueil extrême de se mettre à l'abri en ce lieu et de s'assurer ainsi la possession de la seigneurie", relate l'abbé Suger.
Pendant que le clan de Bertoul prend le contrôle de Bruges, Guillaume d'Ypres, cousin censé être l'instigateur du complot, se porte candidat à la succession. Mais l'événement soulève l'indignation des Flamands, et Louis VI intervient aussitôt. Dès le 8 mars, à Arras, le souverain prend en main l'organisation de la succession et, contre Guillaume d'Ypres et Thierry d'Alsace, impose son propre candidat, Guillaume Cliton, fils du duc de Normandie Robert Courteheuse.
Quant aux meurtriers de Charles de Flandre, ils doivent défiler un par un sous les yeux du roi de France, puis sont précipités du haut de la tour de Bruges. Les meneurs, Bouchard et Bertold, deux des neveux de Bertoul, périssent l'un enchaîné sur une roue et déchiqueté par les corbeaux, l'autre pendu à une fourche avec un chien "qui lui dévorait la figure".

Le plus de la fiche

Page MAJ ou créée le

© cliannaz@free.fr