LES CAPETIENS
LOUIS VI LE GROS, CHEF D'ETAT
LA CHUTE DE LA MAISON GARLANDE
(ETE 1127)
Les quatre frères Garlande, Anseau, Guillaume, Gilbert et Etienne, jouissent d'une influence considérable auprès de Louis VI et se sont accaparé la plupart des charges importantes de la Cour. Plus que leurs abus, c'est leur arrogance qui va les conduire à leur perte. Au cours de l'été 1127, ils vont être brutalemant révoqués.
La puissante famille des Garlande, qui doit
son nom au château et au domaine qu'elle possède en Brie, a commencé son ascension
sous le règne de Philippe 1er. Sous Louis VI, elle a assis son pouvoir et son
influence. La valeur guerrière d'Anseau et de Guillaume, l'intelligence de leur
frère Etienne ont rendu d'inestimables services à la monarchie. Par intérêt,
par reconnaissance et un peu aussi par faiblesse, le roi leur a abandonné les
plus hautes charges du Gouvernement.
Anseau conserve le commandement de l'armée
pendant dix ans, jusqu'à ce qu'il meure au combat en 1118. Son frère Guillaume
lui succède, également jusqu'à sa mort, en 1120. Gilbert est bouteiller (chargé
de la cave du roi) depuis 1112. Cette fonction a beau être devenue purement
honorifique, elle lui permet néanmoins d'être proche du souverain et de jouir
de maints privilèges. Etienne, archidiacre de Notre Dame de Paris, est le seul
des quatre frères à être clerc; c'est aussi le plus influent. Chancelier depuis
1106, il dispose non seulement du sceau royal, mais encore est directeur du
clergé attaché à la chapelle royale et participe à l'exercice de la puissance
judiciaire. A la mort de Guillaume, il obtient également le sénéchalat, chose
dont les contemporains s'émerveillent à bon droit puisqu'il s'agit du commandement
de l'armée, fonction bien impropre à un clerc, et jamais associée auparavant
à celle de chancelier.
L'ambition et la cupidité d'Etienne ne
connaissent plus de limites. Le gouvernement capétien va jusqu'à soutenir pendant
deux ans une lutte des plus vives contre le pape et les partisans de la réforme
ecclésiastique pour lui assurer le siège épiscopal de Beauvais. Et pourtant,
ses innombrables abus de pouvoir et prévarications, son appétit de bénéfices
ecclésiastiques ne suffisent pas à lui enlever la confiance du roi, malgré les
interventions de l'abbé Bernard de Clairvaux, l'opposition de la reine Adélaïde
et de nombreux prélats attachés à la réforme de l'Eglise.
En 1127, Amaury
IV de Montfort, comte d'Evreux, épouse la nièce d'Etienne de Garlande; il semble
bien qu'à cette occasion celui-ci promette à son neveu par alliance qu'il lui
succédera à la charge de sénéchal. En tentant de rendre la transmission de cet
office héréditaire à l'intérieur de son lignage, Etienne de Garlande est allé
trop loin. Voyant que les nominations aux hautes charges de l'Etat risquent
d'échapper totalement à son contrôle, le roi réagit enfin.
Entre août et
décembre, Etienne est démis de ses deux charges, Gilbert de la sienne et tous
les deux sont éloignés de la Cour. Leurs propriétés sont confisquées. Sur ordre
de la reine, les luxueuses demeures qu'Etienne a fait bâtir à Paris doivent
être détruites, ses vignes sont arrachées : on le traite en ennemi public. La
chancellerie et la bouteillerie sont immédiatement pourvues de nouveaux titulaires,
tandis que le sénéchalat, plus dangereux, reste vacant pendant quatre ans, avant
d'être attribué à Raoul de Vermandois, cousin du roi.
L'éviction des Garlande va provoquer une
guerre qui durera quatre ans. Entraînant Amaury de Montfort dans leur révolte,
les Garlande s'allient avec le roi d'Angleterre Henri 1er Beauclerc et Thibaud
IV de Blois, les pires ennemis du Capétien, toujours prêts à soutenir les mécontents.
Louis VI n'a plus qu'à aller les traquer dans leurs domaines. La guerre culmine
avec le siège du château de Livry en Brie, où sont retranchés les rebelles.
Le roi est blessé à la jambe par un carreau d'arbalète et Raoul de Vermandois,
son principal auxiliaire dans cette série d'opérations, y perd un oeil. Mais
la forteresse est prise d'assaut, et sera rasée entre 1128 et 1130. Etienne
alors se soumet, rentre en grâce en profitant de la magnanimité de la reine
et récupérera même la chancellerie en 1132. Sans retrouver son autorité passée,
il conservera une certaine influence jusqu'à la mort de Louis VI, en qui survit
une affection mal éteinte pour la famille Garlande.
Cet épisode marque une
étape décisive dans l'histoire de la monarchie. On ne verra plus se renouveler
les luttes politiques et intestines auxquelles a depuis toujours donné lieu
la question de l'hérédité des offices : les rois sont désormais maîtres en leur
palais.
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