LES CAPETIENS
LOUIS VI LE GROS, CHEF D'ETAT

 

LE SACRE A ORLEANS
(3 AOUT 1108)

Associé au trône depuis dix ans, le futur Louis VI a été désigné comme héritier de la Couronne par une assemblée de grands laïcs et d'évêques. Mais l'excommunication du roi Philippe 1er et les intrigues de sa belle-mère Bertrade de Montfort l'ont empêché d'être solennellement intronisé comme ses prédécesseurs. Ce n'est qu'après la mort de son père qu'il va recevoir l'onction sacrée, le 3 août 1108, à Orléans.

Dès 1098, le roi Philippe 1er a associé son fils Louis, né de son union avec Berthe de Hollande, au trône de France. Depuis lors, le jeune prince héritier s'est employé vaillamment à repousser les attaques des Anglo-Normands dans le Vexin et à réprimer les exactions des seigneurs brigands dans le domaine royal. Le 29 juillet 1108, à Melun, le roi a rendu son âme à Dieu. L'heure est venue pour Louis de prendre effectivement les rênes du royaume.

Mais Bertrade de Montfort verrait bien Philippe de Mantes, le fils qu'elle a donné à Philippe 1er, devenir le nouveau roi de France. A force d'intrigues, elle parvient à se rallier quelques barons frondeurs qui pourraient procéder à une nouvelle élection. C'est que le principe de primogéniture n'est pas encore parfaitement établi, et il a déjà été remis en question lors de la succession de Robert II le Pieux. L'évêque Yves de Chartres presse donc Louis de se faire sacrer sans attendre afin de se revêtir de la légitimité conférée par cette cérémonie solennelle.
L'héritier du trône se trouve alors à Saint Benoît sur Loire, où Philippe 1er a voulu se faire enterrer plutôt qu'en la basilique Saint Denis comme ses ancêtres, "parce qu'il s'était conduit avec moins de bienveillance envers cette église et que, parmi tant de nobles rois, on n'y aurait pas fait grand cas de son tombeau". Louis court donc au siège épiscopal le plus proche, celui d'Orléans, et y reçoit l'onction de l'archevêque de Sens le 3 août 1108. "L'archevêque de Sens, Daimbert, invité avec ses suffragants, à savoir Galon, évêque de Paris, Manassé de Meaux, Jean d'Orléans, Yves de Chartres, Hugues de Nevers, Humbaud d'Auxerre, arriva et, le jour de l'invention du saint protomartyr Etienne, versa sur le front de Monseigneur Louis la liqueur de l'onction très sainte. Après avoir célébré une messe d'action de grâces, il lui ôta l'épée de la chevalerie du siècle et le ceignit de celle de l'Eglise pour la punition des malfaiteurs, le couronna en le félicitant du diadème royal et lui remit avec la plus vive dévotion le sceptre et la main de justice, et par ce geste, la défense des églises  et des pauvres, en y ajoutant tous les autres insignes de la royauté, à la grande satisfaction du clergé et du peuple", raconte l'abbé Suger. C'est ainsi que Louis VI est l'un des rares rois de France à ne pas avoir été sacré à Reims.

Le nouvel archevêque de Reims, Raoul le Vert, est fort mécontent de ne pas avoir pu officier lors du sacre. Et il le fait savoir. Mais les porteurs de ses lettres de protestation arrivent juste après la cérémonie, c'est-à-dire trop tard. Assorti de menaces, le message du prélat interdit à tout autre que lui-même de procéder à l'onction royale; souligne que les prémices du couronnement du roi appartiennent de droit à l'église de Reims, qui tient du premier roi de France, Clovis, baptisé par Saint Rémi, cette prérogative entière et incontestée; que quiconque essaierait de la violer avec une téméraire audace tomberait sous le coup d'un perpétuel anathème. L'archevêque ne mâche pas ses mots.
C'est que, d'abord trésorier de la cathédrale de Reims, il a été élu par le chapitre en 1106; et que Philippe 1er, qui n'a pas été consulté, a tenu cette élection pour nulle et a soutenu un autre candidat, Gervais, fils du comte de Rethel, élu par seulement quelques uns des chanoines. C'est en partie à cause de cette affaire que Louis VI ne s'est pas fait sacrer à Reims. Et c'est aussi ce qui laisse espérer aux messagers rémois que s'ils échouent à convaincre le roi de ne pas se faire oindre dans une autre ville que la leur ils réussiront peut-être à obtenir la clémence et la paix pour leur archevêque. Mais faute d'être arrivés à temps, "ils eurent beau dire, ce fut en pure perte", conclut l'abbé Suger.
Le nouveau roi n'est nullement un novice dans son métier. Il entend poursuivre sa politique de "pacification" du domaine royal contre les seigneurs laïcs et affirmer son autorité face aux puissants du clergé. Chose d'autant plus nécessaire que, bien qu'elle ait perdu la première manche, sa redoutable belle-mère Bertrade de Montfort n'a pas renoncé à placer son fils sur le trône et va tout mettre en oeuvre pour qu'il arrive malheur à Louis VI.

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