LES CAPETIENS
PHILIPPE 1ER, CHEF D'ETAT
LA COMMUNE DU MANS
(MARS 1070)
En mars 1070, les bourgeois du Mans se constituent en "commune" pour s'affranchir de l'arbitraire seigneurial et faire valoir leurs intérêts propres. Leur tentative se soldera par un échec mais sera la première manifestation d'un mouvement communal qui, à la fin du XIème siècle, prendra progressivement de l'ampleur dans les bourgs et les cités du nord de la Loire.
En 1063, le duc Guillaume de Normandie,
le futur Guillaume le Conquérant, s'empare du Maine, auparavant sous la domination
des Angevins. Il prend la ville du Mans et y installe ses administrateurs avec
la bénédiction de l'évêque. Mais l'hostilité aux Normands est vive, entretenue
par le seigneur Geoffroi de Mayenne, ainsi que par la bourgeoisie mancelle qui,
dès cette année là, manifeste sa volonté de faire valoir ses intérêts propres
face à l'arbitraire seigneurial.
En 1069, une émeute urbaine éclate au Mans,
une des premières qui soient attestées dans le nord de la France. Dirigée principalement
contre l'évêque, elle met aussi en cause indirectement le duc de Normandie.
Profitant de ce que celui-ci est occupé avec l'Angleterre, conquise trois ans
auparavant, les bourgeois font appel à la dynastie des comtes du Maine, à Hercende,
mère du petit Hugues III du Maine, et à son "protecteur" Geoffroi
de Mayenne. Mais leurs espoirs sont bien vite déçus. Geoffroi de Mayenne lève
des impôts si lourds que "ses sujets,
lassés de tant de nouvelles oppressions, s'efforcèrent de se délivrer de cette
tyrannie, conspirèrent contre sa personne et se mirent en devoir de le chasser
avec tous les fauteurs et partisans", rapporte la
chronique.
En mars 1070, les bourgeois du Mans, artisans
pour la plupart, se constituent en association qui aura le nom de "commune",
dont les membres sont liés par un serment, une conjuratio. Ils contraignent
Geoffroi de Mayenne, l'évêque et les nobles du pays à jurer respect et défense
aux libertés qu'ils se sont proclamées. Les seigneurs qui refusent voient leurs
demeures attaquées, tel celui de Château sur Loir.
Les historiens contemporains
reprochent aux citadins en révolte "de
faire trop sévèrement et trop sommairement justice de leurs ennemis ou de ceux
qui troublaient la paix de la commune, faisant pendre les uns et mutiler les
autres, sans aucun égard pour le rang des personnes".
Les
Manceaux mettent le siège devant le château d'Hugues de Sillé, un des seigneurs
locaux. Mais cette entreprise se solde par un échec en raison de la trahison
de Geoffroi de Mayenne, qui fait courir la rumeur que la ville est attaquée
au moment même où les chevaliers assiégés font une sortie spectaculaire. Dans
la débandade générale qui s'ensuit, beaucoup de bourgeois sont tués ou faits
prisonniers. Avant la fin de l'année 1070, Hercende et son fils sont de nouveau
maîtres du Mans.
Guillaume le Conquérant, qui a fort à faire en Angleterre,
n'a pas été ému outre mesure par la perte du Maine. Alors qu'il passe l'hiver
1071-1072 en Normandie, il ne juge pas nécessaire d'intervenir militairement.
Cependant, au Mans, la paix n'est pas revenue.
Rappelé secrètement par Hercende, Geoffroi
de Mayenne tient la citadelle avec 80 de ses chevaliers. Les bourgeois, qui
n'ont pas oublié sa trahison, font appel à d'autres barons pour se débarrasser
de lui, notamment au duc Foulques IV le Réchin, qui a été leur seigneur jusqu'à
l'arrivée des Normands. En 1073, ils assiègent la citadelle. Au risque d'incendier
l'église voisine, ils débusquent Geoffroi de Mayenne, qui prend la fuite dans
la nuit, tandis que ses compagnons sont contraints de se rendre. La forteresse
est rasée, à l'exception des enceintes extérieures, indispensables à la défense
de la ville.
Mais à peine les Manceaux ont-ils remporté cette victoire que
Guillaume le Conquérant réagit vivement. Pourquoi, cette fois ci, décide-t-il
d'intervenir? Parce que Foulques d'Anjou est entré dans la ville! Et qu'il ne
peut tolérer une incursion de la puissance angevine aux portes de son duché
normand. Au coeur même de l'hiver, le duc-roi lance une campagne de reconquêtes
qui s'achève avant le mois de mars 1073, après que le pays a été dévasté. L'une
après l'autre, les villes se rendent sans condition. Les bourgeois du Mans,
paniqués, "coururent au-devant du
roi d'Angleterre, se jetèrent à ses pieds, et lui demandèrent grâce, qui leur
fut octroyée par la considération de l'évêque, qui l'en supplia".
Malgré l'échec de la tentative des Manceaux pour s'émanciper de l'autorité seigneuriale,
le mouvement communal est lancé. Au fils des décennies suivantes, la bourgeoisie
urbaine continuera à s'organiser pour s'affranchir de la pression fiscale et
juridique des seigneurs, tant ecclésiastiques que laïcs, et des entraves qui
pèsent sur l'essor du commerce et de l'économie.
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