LA COOPERATION FRANCO-OTTOMANE (1539 - 1547)
Les bonnes relations franco-ottomanes ont
naturellement été affectées, en 1538, par la spectaculaire
réconciliation entre François 1er et Charles Quint. Pourtant le
Roi Très Chrétien n'a pas renoncé à son alliance
avec Soliman le Magnifique. Il va la réactiver quand une nouvelle guerre
contre l'Empereur va se profiler.
La période de froid entre François
1er et Soliman le Magnifique qui a suivi en 1538 la trêve de Nice, puis
la rencontre avec Charles Quint à Aigues Mortes, ne dure pas longtemps.
Certes, le roi de France s'est engagé à combattre l'Infidèle
et l'on a reparlé de croisade. De beaux discours sur l'unité de
la Chrétienté. Mais François 1er n'a nullement renoncé
à son alliance avec le Turc. Son nouvel ambassadeur à Constantinople,
Antonio Ricon, s'emploie à faire oublier sa "trahison" au sultan.
Mais, en juillet 1541, il est assassiné en Italie du Nord par les Impériaux.
François 1er lui trouve un remplaçant pour aller plaider sa cause
auprès de Soliman. Le capitaine Polin, baron de La Garde, rejoint Soliman
en 1542. "Il alla, vira, trotta, il
tracta", dit Brantôme, tant et si bien que
ce diplomate, soldat de profession, parvient à convaincre le sultan de
reprendre les grandioses projets de coopération militaire avec la France
mis sur pied en 1535 Au nom de son maître, il fait des promesses de
soutien logistique aux navires de Barberousse; celui-ci trouvera à Antibes
vivres et munitions en quantités. Soliman donne l'ordre à son
capitan-pacha de conduire la flotte ottomane en Provence l'année suivante
et d'obéir en tout au capitaine Polin, qui va l'accompagner. Le 15
mars 1543, Barberousse appareille avec plus de cent galères et, le 15
juin, arrive à Antibes, où rien n'est prévu pour nourrir
ses marins affamés. Pire, aucun plan de campagne n'a été
élaboré.
Barberousse, furieux, menace de repartir
sur le champ en emmenant La Garde en otage. Cependant les choses s'arrangent.
On livre des tonnes de biscuits de mer, nourriture de base des équipages,
et le capitan-pacha élabore un plan de campagne avec le jeune François
de Bourbon, comte d'Enghien. Barberousse aurait voulu attaquer Charles Quint
en Espagne, mais François 1er n'ose pas braver la réprobation
de toute la Chrétienté. Il décide de s'emparer de Nice,
dernière place forte du duc de Savoie, allié de l'Empereur. On
assiste alors à un événement inouï pour les Européens
de l'époque : des troupes françaises et ottomanes débarquent
à Villefranche le 7 août 1543, mettent ensemble le siège
devant Nice. Elles ne pourront pas s'emparer du château et, un mois plus
tard, lèveront le siège. Pour garder à sa disposition la
flotte ottomane, le roi l'autorise à hiverner à Toulon, vidée
de ses habitants. Nouveau scandale pour l'Europe chrétienne. Pendant
ce temps, François 1er élabore un plan de campagne pour le printemps
1544 : la flotte combinée s'emparera d'abord de Gênes, sur laquelle
le roi a toujours des prétentions, puis s'emploiera à reconquérir
Tunis, que Barberousse revendique et qui est aux mains de Moulay Hassan, allié
de Charles Quint.
Mais l'expédition est retardée,
et la discorde s'installe peu à peu entre les alliés. Barberousse
décide finalement de rentrer en Turquie, qu'il a quittée depuis
plus d'un an. Après avoir reçu 800 000 ducats d'or et fait
libérer 400 musulmans qui ramaient aux galères du roi, il lève
l'ancre en mai 1544, avec à sa suite le baron de La Garde et cinq navires
français. Son seul but est de piller les côtes italiennes. Il remet
Porto Ercole, en Toscane, à une garnison française, mais réduit
en esclavage tous les Italiens qu'il peut capturer. Seuls les Etats du pape
Paul III sont épargnés, à la demande de La Garde. Le
détroit de Messine franchi, le capitan-pacha consent à laisser
partir l'ambassadeur et ses navires pour Constantinople. La Garde veut le devancer
pour donner à Soliman le Magnifique sa propre version des événements.
Le sultan ne tient pas rigueur à son grand amiral de l'échec de
son expédition. N'est-il pas imputable au roi de France, qui n'a pas
su utiliser la formidable flotte qu'il a mise à sa disposition? Lorsque
La Garde rentre à Toulon le 4 octobre 1544, la paix vient d'être
conclue à Crépy en Laonnois. Soliman est fou de rage de n'avoir
pas été averti. Comme d'habitude, le Roi très Chrétien
a promis d'appuyer Charles Quint contre les Ottomans. Comme d'habitude, il n'en
fera rien. Au printemps 1547, le roi envoie à Constantinople un nouvel
ambassadeur, Gabriel d'Aramon, demander au sultan d'attaquer immédiatement
l'Empereur en Hongrie et en Afrique du Nord. Soliman, occupé à
ce moment par la Perse, s'excuse de ne pouvoir répondre à son
désir, "la saison étant
trop avancée". Quand le messager rentre en
France, le roi François 1er est mort.
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