LA "SCANDALEUSE ALLIANCE" DE FRANCOIS
1ER AVEC LES OTTOMANS (1536)
En 1536, passant
outre la réprobation de toute l'Europe, François 1er ose s'allier ouvertement
avec Soliman II le Magnifique. Dans le cadre de la guerre qui l'oppose à
Charles Quint, François 1er, le Roi Très Chrétien, cherche à utiliser la
supériorité navale des Ottomans pour reprendre à l'Empereur des positions
essentielles en Italie.
François 1er
commence à intriguer avec les Turcs en 1525, alors qu'il est captif de Charles
Quint. La réponse favorable de Soliman II le Magnifique à sa demande de
secours lui parvient alors qu'il a déjà recouvré la liberté, après avoir
signé le traité de Madrid, en janvier 1526. Le roi remercie néanmoins le Turc
pour "l'insigne générosité de son coeur". Le dialogue est amorcé
et va se poursuivre, mais discrètement, car François 1er reste soucieux de son
image de serviteur zélé de l'Eglise.
A la même époque, Soliman a lancé contre la Hongrie une campagne qui
s'achève an août 1523 par sa victoire à Mohacs et la mort du jeune roi Louis
II Jagellon, parent et allié de l'Empereur. La propagande impériale se
déchaîne contre François 1er, considéré comme responsable de ce
"désastre chrétien". Si le conquérant ottoman a ses raisons propres
pour attaquer l'Europe Centrale, les soucis des Habsbourg (Charles Quint et son
frère Ferdinand, chargé de gouverner le patrimoine allemand de la Maison) à
l'Est arrangent bien le roi de France.
Accusé de complicité avec les Infidèles, François 1er s'emploie à prouver
que son Amitié avec la Sublime Porte sert la Chrétienté. Et, de fait, il
obtient tous les avantages qu'il demande pour les chrétiens, excepté la
restitution d'une église de Jérusalem transformée en mosquée. De même, en
1528, les privilèges accordés aux marchands français en Egypte au temps des
Mamelouks sont confirmés.
Mais, pour François 1er, l'essentiel n'est pas là. "Je
ne puis nier que je désire vivement voir le Turc très puissant prêt à la
guerre, non pas pour lui, car c'est un infidèle et nous autres, nous sommes
chrétiens : mais pour affaiblir la puissance de l'Empereur, pour le forcer à
de graves dépenses, pour rassurer tous les autres gouvernements contre un
ennemi si grand", confie-t-il à un ambassadeur vénitien.
Du point de vue
français, l'idéal serait que les Ottomans attaquent les Habsbourg en Italie.
Leur intervention en Europe centrale, en revanche, dessert les intérêts de
François 1er et risque de provoquer le retournement des princes protestants
allemands qui, début 1531, ont formé la ligue de Smalkalde contre l'Empereur.
En mars 1532, le roi dépêche Antonio Rincon auprès de Soliman le Magnifique
pour le dissuader d'attaquer en Hongrie. Bien que le diplomate soit arrivé trop
tard, l'offensive turque sera un échec.
Les négociations entamées par Rincon se poursuivent. Khair-ed-Dinn, dit
Barberousse, corsaire d'Alger passé au service des Turcs, est au centre des
discussions. Sa flotte lance des raids dévastateurs sur les cités espagnoles
et italiennes, et menace la route Barcelone - Gênes, stratégique pour
l'Empereur. Aux yeux de François 1er, le corsaire a un rôle essentiel à
jouer.
Au printemps 1535, le roi dépêche à Constantinople Jean de La Forest,
gentilhomme auvergnat et érudit distingué. L'opinion européenne se doute bien
que sa mission n'est pas, comme on veut le faire croire, de discuter commerce.
Il s'agit bien au contraire d'obliger Charles Quint à restituer le duché de
Milan, Gênes et Asti et à reconnaître la suzeraineté française sur la
Flandre et sur l'Artois. L'Empereur devra aussi accepter sur le trône de
Hongrie un protégé du sultan, le roi Jean Zapolya. François 1er demande des
subsides à Soliman le Magnifique et insiste surtout pour qu'il envoie son "armée
de mer, en faisant même commandement au sieur Hardi (Barberousse) pour courir
sus et entrer premièrement en la Sicile et Sardaigne".
Avant d'arriver à
Constantinople en juin, La Forest a fait escale à Tunis pour y rencontrer
Barberousse. Mais, en juillet, Charles Quint reprend Tunis. Dans le butin, on
trouve des canons français. Pourtant François 1er est resté neutre dans cette
affaire. Soliman le lui reproche, via son ambassadeur : "Comment
pourrais-je me fier à votre roi quand il se déclare toujours le défenseur de
la foi chrétienne et promet toujours plus qu'il peut tenir?"
Le Français va néanmoins convaincre le Turc du bien fondé d'une alliance.
Bien qu'aucun document signé ne soit parvenu jusqu'à nous, il paraît évident
que la mission de La Forest ne se réduit pas à la conclusion d'un traité de
commerce, en date de février 1536. Les deux souverains ont vraisemblablement
pris des engagements militaires réciproques.
En septembre, Turcs et Français mènent une expédition combinée contre Ibiza,
aux Baléares. Mais la campagne décisive est à venir. Dans les chantiers
navals de la Corne d'Or, les préparatifs, supervisés par Soliman en personne,
durent tout au long de l'année 1536. L'entreprise d'Italie est si connue, note
La Forest, que "les enfants vont disant par les rues
que c'est contre l'Empereur qu'elle se fait".
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