LE FUTUR DUC DE SULLY ENTRE AU CONSEIL DES FINANCES
Faute d'obtenir
les subsides indispensables à la poursuite de la guerre, Henri IV impose Maximilien
de Béthune, baron de Rosny et futur duc de Sully, au Conseil des Finances. A
partir de juillet 1596, il va ainsi pouvoir s'appuyer sur son vieil ami et compagnon
d'armes, qui va mener une politique particulièrement efficace et payante.
Rien, à priori ne destine Maximilien de Béthune, baron
de Rosny, à gérer les finances de l'Etat. C'est au combat, les armes à la main,
qu'il s'est fait remarquer pour sa bravoure, puis est devenu l'un des plus proches
fidèles d'Henri IV. Depuis qu'il a entrepris la reconquête du royaume, le souverain
manque si cruellement de moyens financiers qu'il multiplie les expédients, et
les emprunts, allant jusqu'à engager tout son bien personnel. La dette publique
atteint des sommets, non seulement à cause des dépenses de guerre, mais aussi
en raison des prodigalités du roi, notamment en faveur de sa maîtresse, Gabrielle
d'Estrées. Le marquis d'O, ancien favori d'Henri III et surintendant des Finances,
est notoirement incompétent et corrompu : mais étant l'un des principaux catholiques
ralliés au Béarnais, c'est un homme à ménager. Sa mort, le 24 octobre 1590,
sonne l'heure d'une reprise en main de la gestion du Trésor.
L'office de superintendant des Finances est supprimé,
la tâche en étant remise à un Conseil chargé d'assurer une direction collégiale.
"Depuis peu de jours, j'ai donné la charge de mes
finances à des gens de bien", écrit le roi, confiant, à son épouse,
Marguerite de Valois. Mais, au cours des années suivantes, Henri IV est déçu
: le Conseil ne répond pas à ses demandes de fonds. En juillet 1596, il introduit
Maximilien de Béthune, baron de Rosny et futur duc de Sully, au Conseil des
Finances, espérant que celui-ci fera prendre en compte ses exigences par les
autres conseillers. En septembre, Sully décide d'employer les grands moyens
: il dépêche à travers le royaume cinq commissaires chargés de renflouer coûte
que coûte les caisses de l'Etat. La méthode, plutôt brutale, est inhabituelle
: ses envoyés harcèlent les gestionnaires locaux, trésoriers de France et généraux
des Finances à la tête de vingt et une circonscriptions baptisées "généralités".
Sans s'embarrasser des scrupules de ses pairs, Sully parvient à ramener d'Orléans
et de Tours plusieurs charrettes remplies de trois cent mille écus. Le roi est fort satisfait,
même si cet argent est encore le fruit d'expédients : saisie sur les pensions,
sur les gages des officiers du roi, assignation de dettes anciennes. Ces
méthodes sont bien éloignées des vertueux principes prônés par le sage Pomponne
de Bellièvre, qui préconise la réduction des dépenses du roi, de ses armées
et de sa Maison, la hausse des impôts indirects, la diminution du nombre des
privilégiés dispensés de la taille et le strict contrôle de la gestion des fonds.
Le vieux conseiller préconise de réunir à Rouen l'Assemblée des notables, qui
parvient aux mêmes conclusions que lui!
Mais cette sagesse ne correspond ni au tempérament d'Henri
IV ni à la situation militaire. Les divergences sont patentes lors du siège
d'Amiens, en 1597 : le Conseil des Finances rejette formellement toutes les
demandes du roi, atestant que les caisses sont vides et, comme le souligne Bellièvre,
qu'à l'impossible nul n'est tenu. Mais c'est justement à l'impossible que le
Béarnais est tenu pour bouter les Espagnols hors de France... Dès lors, le souverain
court-circuite le Conseil en s'adressant directement à Sully, qui, en homme
de guerre, connaît le coût d'une campagne militaire : "Je
suis très mécontent de la Chambre des Comptes (...). Mettez cette somme à part
et me l'envoyez le plus tôt que vous pourrez car je ne veux pas qu'elle passe
par les mains des officiers". Le Béarnais insiste pour que,
"au plus tôt qu'il vous sera possible, vous donniez ordre que les quatre
mille
écus destinés à mon artillerie soient envoyés ici (...), d'autant plus que je
suis tout nu, il me semble qu'il n'est pas raisonnable que, m'employant comme
je fais pour le salut de la France, je sois ainsi traité". Il le
fait même venir à Amiens avec les fonds sans en informer le Conseil. Sully
recourt toujours aux mêmes expédients : créations d'offices vendus au profit
du roi, emprunts, menaces contre les officiers de finances... En 1599, l'année
de ses quarante ans, son zèle est récompensé : il devient de fait surintendant
des Finances, seul en charge du Trésor et de sa gestion. En 1605, il obtient
la première place au Conseil du roi et, en 1606, le titre, créé pour lui, de
duc et pair de Sully. Il mènera par la suite une politique bien différente
de celle des années de guerre, réalisant de sages économies, rééquilibrant le
budget et s'attachant à rembourser les dettes contractées par Henri IV.
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