L'AFFAIRE DES "CHEVALIERS DU POIGNARD" (28
février 1791)
Le 28 février 1791, dans des circonstances
fiévreuses et confuses, plusieurs centaines de gentilshommes s'introduisent
au palais des Tuileries, selon eux pour protéger Louis XVI. La tentative
tourne court, mais les patriotes soupçonnent ces "chevaliers du
poignard" d'avoir voulu enlever le roi et sa famille.
Le 28 février 1791, les sections parisiennes
se rendent à Vincennes. Les travaux de rénovation entrepris dans
cette ancienne prison, conjugués aux rumeurs que font courir les agitateurs,
laissent penser aux patriotes qu'une nouvelle Bastille est sur le point d'être
créée dans le donjon. La confusion règne partout, la crainte
d'un complot aristocratique s'accroît d'heure en heure. "Le
matin, au milieu de ces évènements dont on ne s'expliquait pas
bien les auteurs ni la portée, l'Assemblée délibérait.
Elle entendait battre la générale partout dans Paris, le bruit
plus ou moins éloigné des tambours dans la rue Saint Honoré
et, se contenant à peine, celui plus redoutable encore de la foule grondante
qui se pressait à la porte. Agitation, émotion, fièvre
universelle, vaste et général murmure du dehors et du dedans",
raconte l'historien Michelet dans son Histoire de la Révolution française.
"Dès le matin,
tout annonçait une émeute. Deux sortes de personnes y travaillaient,
les maratistes et les aristocrates. Marat, par sa feuille du jour, sommait le
peuple de courir à l'Assemblée, de manifester hautement, violemment
son opinion, de "chasser les députés infidèles".
D'autre part, les royalistes, travaillant habilement le faubourg Saint Antoine,
l'avaient poussé vers Vincennes, lui faisant croire que l'on y organisait
une nouvelle Bastille. C'était un moyen infaillible de faire sortir de
Paris La Fayette et la Garde nationale", poursuit
Michelet. Pour en finir avec l'émeute, La Fayette, commandant la Garde
nationale, se précipite aussitôt à Vincennes à la
tête de ses troupes. Deux ou trois cents gentilshommes, venus de Paris
et de Province, en profitent pour pénétrer aux Tuileries, un par
un et en cachette. Ils affirment craindre pour la vie du roi, les insurgés
ayant menacé de marcher, après Vincennes, sur le palais où
loge Louis XVI et les siens. Selon leurs dires, ces partisans de la monarchie
entendent défendre la famille royale. Ils se sont armés de quelques
pistolets et, surtout, de poignards, de cannes et d'épées. Le
soir, sitôt rentré de Vincennes, le commandant de la Garde Nationale
se rend aux Tuileries. Un témoin, monsieur d'Hzecques, partial puisque
proche de Louis XVI, raconte : "Monsieur
de La Fayette, arrivé chez le roi, y trouva environ deux cents personnes
qui s'y rassemblaient tous les dimanches, et même plus souvent. C'était
là ces conspirateurs dont les projets homicides devaient renverser l'édifice
de la liberté et réduire Paris après avoir exterminé
sa garnison. Quelle armée, en effet, que ces deux cents gentilshommes
de tous âges et n'ayant pour arme que leur épée. Voilà
donc l'objet des craintes de monsieur de La Fayette. Il s'adresse au monarque
et, employant son moyen accoutumé pour l'effrayer, il lui dit qu'il ne
répond pas de la sûreté du château, ni des excès
auxquels pourra se porter le peuple s'il n'ordonne pas à ce petit rassemblement
de se retirer et de déposer les armes".
Les intentions de ces fidèles de
Louis XVI sont cependant moins pures qu'ils ne l'affirment. "Selon
toute vraisemblance, ils comptaient enlever le roi",
souligne Michelet. Et c'est le souverain lui-même, voulant éviter
une confrontation sanglante, qui doit leur demander d'obéir aux injonctons
de La Fayette et de déposer leurs armes. "La
Garde Nationale (...) de mauvaise humeur, les trouva aux Tuileries, les désarma,
les maltraita", conclut sobrement Michelet. La scène
qui suit prend plus d'ampleur sous la plume de monsieur d'Hzecques : "La
Fayette se retira et laissa une partie de ses troupes dans les cours, occupée
à briser ces armes ou à tirailler avec. Ce tapage durait encore
quand je retournai au château, vers les onze heures du soir pour le coucher.
Louis XVI, toujours maître de lui-même, y causa à son ordinaire,
et ne témoigna d'humeur qu'au duc de Liancourt, bien prononcé
pour le côté gauche de l'Assemblée, et qui voulut faire
remarquer que les bruits provenant des cours duraient encore". L'échec
des "chevaliers du poignard", comme on les surnomme dès le
lendemain, a un effet innatendu : certains partisans de Louis XVI choisissent
d'émigrer, déçus par le roi qui n'a manifesté aucun
soutien aux gentilshommes soucieux de son sort et qui va s'en trouver encore
un peu plus isolé.
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